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Loin de moi je me suis vu, avec les yeux de mes
propres yeux. Loin de moi j'écoutais mes ombres, j'ai vu ton cri.
Débattu tu refusais. Battu tu prenais l'eau, bouche ouverte, suffocant, ton cri étranglé qui te rentrait
dans l'estomac, tu secouais ton crâne de plomb avec des lenteurs oniriques, ton cou vibrait sur ses
muscles, inamovible, statufié, les yeux ouverts comme pour s'arracher, le cou crispé, le cou gonflé
près d'éclater, la bouche ouverte clouée sur sa béance. Rebelle stupide, le cri du non, le cri du
non près de la mort.
Et puis d'un coup. En une vague lente, silencieuse, submergeant toutes les vagues. Une vague éternelle
et puissante, pleine de lumière, ça t'a frappé. Sous l'impact ployant vers l'arrière en un reflux
ralenti de tout le tronc, mais les jambes immobiles, mais les pieds soudés au sol, toujours sur la
figure cette béance mais sans le cri. D'un coup, comme le cri s'en est allé.
Alors, plage lavée de l'aube, rayonnant à ton tour de tous les feux de la lune, ça t'est entré par
tous les pores, par tous les ports : la bouche de marbre dans son trou de chair, les yeux cloués,
tu as fini de suffoquer. Tu as tout pris de la mer et son Poème, tout bu comme une purge. Le courant
t'a traversé, vert-blanc de sa lactescence, le courant t'a couché dans son silence, courbé jusqu'à
toucher le sol, puis t'a ramené de sa main tranquille dans ta position d'homme. Tu as eu la sagesse
de te taire, de rester immobile, de ne rien briser. Tu as laissé couler la lumière, tu as tout bu,
tu as tout supporté. Jusqu'à ton dernier soupir. |
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FXS |
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