Eh non, il n'y a pas de faute de frappe dans
le titre. C'est bien le mot anglais qui est écrit.
Un numéro de KaFkaïens qui traite des informaticiens, l'occasion était
trop belle. J'allais enfin pouvoir écrire sur ce qui soulève les quolibets de mes
collègues. Je veux parler de la guerre du franglais.
Bon, c'est vrai, ils ont bon dos, les informaticiens
(Ne tirez pas sur l'informaticien !). Ils ne sont pas les seuls à
parler franglais. Dans le "marketing" (désolé !), on parle aussi un charabia
franco-saxon. Mais je préfère m'attaquer aux informaticiens. C'est normal, ils ne
peuvent pas se défendre (en tout cas, pas dans un français correct !).
Commençons par quelques vérités.
Le français est truffé, depuis des siècles, de mots empruntés. Alchimie,
carafe viennent de l'arabe, et qui s'en soucie aujourd'hui ?
Autour de nous, les autres langues évoluent, elles absorbent des mots nouveaux. Allez au
Japon (je sais, y'a plus facile...), commandez un "miiruku", on vous servira du lait
(miiruku -> milk).
Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas accepter naturellement les mots anglais qui nous arrivent
quotidiennement ?
Dabord, pour faire chier les informaticiens.
Ensuite, parce la langue n'est pas seulement une liste de mots. Elle procède à la
fois de notre société et de notre façon de penser.
On peut voir dans l'invasion anglo-saxonne,
une marque de l'impérialisme économique américain. Pourquoi pas ? Mais ce
n'est pas mon propos.
Je serais plus pragmatique. Je crois qu'il ne faut pas s'emballer trop vite avec ces mots anglais.
Ni pour, ni contre eux. Pour plusieurs raisons.
D'abord, la plupart des mots anglais qu'on utilise aujourd'hui disparaîtront naturellement.
Ces mots sont ceux du vocabulaire technique. Parce que nombre de ces techniques viennent d'outre
atlantique, il est de bon ton d'utiliser ces mots qui sonnent modernes, dernier cri... Donc, que
l'origine soit amércaine ou non, c'est un mot anglais qui sera utilisé. Or les mots
du vocabulaire technique ne dureront que le temps des techniques qu'ils désignent. Et,
surtout dans l'informatique, les évolutions sont rapides. Ce qui restera, en fin de compte,
ce sont les idées, les concepts derrière les techniques.
En attendant, les pros du franglais auront pu briller quelques temps. Pendant ce temps, malheureusement,
ils auront été mal compris des non-techniciens (mais n'est-ce pas ce qu'ils cherchent
?). Pendant ce temps, la communication aura pâti de ce vocabulaire surnuméraire,
inutile.
La communication est au centre du langage.
Si le langage ne sert pas à communiquer, il ne sert à rien. On peut dire qu'il aide
à structurer la pensée, mais dans ce cas, je crois plus aux concepts, que l'on comprend,
qu'aux mots, éphémères, que l'on apprend.
Alors pourquoi se faire chier à apprendre
des mots nouveaux, en risquant de se priver du plaisir de comprendre ce qu'il y a derrière
? Pourquoi prononcer ces mots à la française, et faire marrer à la fois les
francophones, et les anglophones ? Pourquoi conjuguer en français des verbes, ou des mots
anglais (toujours au premier groupe, c'est plus facile) ? Vous ètes-vous déjà
pâmé devant la sonorité d'un "forwarder un fichier" ? Pourquoi communiquer,
si ce n'est pas pour se faire comprendre ?
Je ne suis pas un farouche défenseur
de la langue française. Pas au sens intégriste du mot. Tout au plus, j'aime sa grammaire,
sa mélodie. Alors, je ne me bats pas de front, je fais de la résistance, je traîne
des pieds.
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