"Ce que j'écris
ici est la réalité". Comment ça la réalité
? Comment peut-elle écrire que je ne l'aime plus, que je la délaisse,
et que, "malheureusement, c'est la réalité" ?
Une semaine, ça fait une semaine qu'elle est partie. Elle était
partie bosser, avec sa petite jupe qui me fait tant craquer. Partie pour
la journée, comme d'habitude. J'avais juste remarqué qu'elle
ne m'avait pas embrassé avant de sortir.
Quand je suis revenu le soir, elle n'était pas là. Elle
avait pris ses affaires. "Une semaine ou deux", écrivait-elle
dans un petit mot. Dans ce petit mot de rien du tout, elle me demandait
d'arrêter de rêver, elle me décrivait tel que je suis,
paraît-il, dans la réalité. "ton boulot te prend
trop de temps, trop de pensées, et moi, je n'ai plus de place."
Je n'y croyais pas.
Je l'ai cherchée
dans l'appartement, la penderie, et même ! ça paraît
ridicule, sous le lit. J'espérais peut-être y trouver aussi
le chat en train de faire les poussières, comme à son habitude,
mais lui aussi, elle l'avait pris.
Son absence me pèse tellement que je n'ose plus déplacer
un coussin de peur d'y trouver un long cheveux châtain. Depuis une
semaine, je la cherche.
Après l'appartement, j'ai fait le tour du quartier. J'ai arpenté
les quais de la Seine. Elle aimait venir y lire, et c'est le premier beau
week-end du printemps. J'ai croisé les milliers de parisiens que
la moindre hausse de température jette hors de leurs trois-pièces.
J'ai écouté les joueur de tam-tam, avec leur danseur en
transe qui se jette à la baille pour montrer qu'il est timbré.
J'ai vu un crâne rasé essayer de brancher deux ou trois minets.
Un magazine abandonné s'est ouvert sur la photo d'un tableau.
C'était une toile mélancolique d'Edward Hopper. Dans
ce tableau aussi, je l'ai cherchée.
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