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Dans ce fauteuil profond, j'ai vu passer les
heures
Comme des oiseaux gris enfuis à l'horizon
Le temps s'évaporait sur le velours marron
Tandis qu'en enfant sage je lisais l'air songeur.
Je retrouve à présent le plaisir
identique
Le repos, la lumière et le feu toujours là
A droite un accoudoir et à gauche mon chat
Un cocktail (pour les grands) et des livres magiques.
Blue Angel : 2 parts de tequila, une part
de martini blanc et une part de curaçao bleu dans un shaker avec de la glace. Servir avec
un glaçon et beaucoup de modération.
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Nostalgie de la magie noire
de Vincent Ravalec - J'ai Lu |
Vincent Ravalec a écrit plusieurs romans
magnifiques, dont Cantique de la Racaille qui devrait être un bon livre de chevet
pour tout les partisans de tout-répressif, pour peu qu'ils se mettent à réfléchir
un peu (ce qui n'est pas pour demain). Les personnages de Ravalec sont toujours à la frange,
à la limite, situés dans une vision moderne de ce qui pouvait être dans la
littérature du début du siècle le monde des mauvais garçons, ou dans
le cinéma de l'après-guerre le milieu et ses faubourgs interlopes. Avec Ravalec
par contre, il n'y a pas de séparation nette entre ce monde là et le monde du lecteur
; on n'a pas vraiment l'impression d'assister à un spectacle, ni à la mise en scène
d'une caricature d'une société qui nous est étrangère. Peut-être
est-ce un effet de la contemporanité (?) de l'auteur, peut être les spectateurs de
cinéma des années 50 avaient-ils le même sentiment avec les films de Gabin.
En tout état de cause, on prend souvent les péripéties des personnages de
Ravalec en pleine gueule, avec un petit rappel amer à l'injustice à laquelle nous
nous habituons faute de vouloir vraiment nous y opposer.
Au delà de sa peinture sociale contondante (c'est le mot), Ravalec s'envole parfois dans
un lyrisme mystique qui renforce le terrible pessimisme, la vacuité ou la cruauté
de la vie de ses personnages. C'est l'articulation principale de Wendy, où l'héroïne
éponyme, filleule de prostituée, orpheline, est une sorte de Bernadette Soubirous
punk. Cette tendance au mysticisme, Ravalec la laisse libre dans Nostalgie de la Magie Noire,
ce qui confère à ce récit de fin de monde une force prodigieuse, mais en
brouille parfois (souvent) la lecture. La première partie du roman, l'agonie de Paris,
est splendide. La seconde, l'errance du personnage principal dans un monde mad-maxien est plus
quelconque. On serait presque tenté de dire que Ravalec en a eu assez de son roman au milieu
de la rédaction.
A lire : Cantique de la Racaille, Wendy,
Vol de sucettes, Recel de Bâtons, Un pur moment de Rock'n'Roll.
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PmM |
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PARIJ
d'Eric Faye - J'ai Lu |
Imaginez que les américains aient été
retardés par les allemands après leur débarquement de la seconde guerre mondiale,
et que le point de jonction des armées alliées ait été Paris et non pas
Berlin. C'est cette idée qu'exploite Eric Faye dans Parij pour nous peindre une France
d'après-guerre, ou plutôt un Paris d'après-guerre partitionné par un mur
comme naguère Berlin . Autour de l'histoire d'un écrivain célèbre de l'Est
passé à l'Ouest, Faye reconstruit un Paris à l'image du Berlin d'il y a peu,
avec la suspiscion et la propagande, avec les réalités déformées de "l'autre
coté" (quel que soit le coté où l'on se place...) avec cette ambiance grise
et étouffante des régimes totalitaires confronté en permanence à la subversion
grossière de la démocratie d'en-face. C'est une idée splendide évidemment,
qui nous donne à ressentir un peu de l'écoeurement qui devait être celui des berlinois.
Une fois cette transposition effectuée, il reste tout de même à écrire
un roman ; celui d'Eric Faye se traîne comme une vieille Zil. Personnages irréels et
factices (ce qui en soit intéressant dans ce décor théatral de ville déchiré,
mais qui n'a pas l'air d'être l'intention de l'auteur), intrigue poussive (les étapes
en sont articifielles et les ressorts sortis d'un improbable chapeau) et conclusion surréaliste.
Aucune motivation n'est crédible : les agents de l'Est recherchent un roman oublié de
l'auteur en fuite qui pourrait déstabiliser l'Etat, le personnage principal, responsable du
contrôle du courrier, protège les échanges de courrier enre l'auteur et sa maîtresse
restée à l'Est par amour pour cette femme qu'il n'a jamais vu, le dictateur fait déplacer
Paris pour protester contre la non-réunification (?)... Ce n'est pas tant que les idées
soient mauvaises, mais plutôt que la réalisation en soit vraiment décevante. L'idée
de départ était originale...tant pis. |
PmM |
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Un Nuage comme tapis
d'Erri de Luca - Rivages Poche |
Une série de textes courts sur la Bible
? Mais qu'est-ce que ça vient faire ici dans KaFkaïens ?
Erri de Luca raconte quelques épisodes de la Bible, "des comptes-rendus de découvertes".
Il commente les textes, il cherche dans la langue mère les jeux de mots, dans les commentaires
des pistes d'explications. Sans prosélitisme, il cherche, je crois, à présenter
certaines beautés littéraires, psychologiques même, du texte. Je ne sais pas trop
quel était son but.
Mais alors, nom de YHVH, pourquoi je l'ai dévoré, ce bouquin ? |
LN |
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Babylon Babies de
Maurice G. Dantec - Gallimard |
Certains des lecteurs de KaFkaiens ont peut-être
été très impressionnés, comme moi, par la lecture des Racines du mal, le second et meilleur
livre de l'auteur. Nous bavions d'impatience en attendant le suivant : force est de dire qu'il n'est
pas aussi bon. Ce qu'il y avait de passionnant dans les Racines du mal, c'était, à mon sens,
l'imbrication d'une vaste intrigue policière, d'une anticipation à court terme (les plus difficiles)
et d'une articulation de discours empruntés aux sciences dites dures comme aux sciences humaines.
Ce qui était proprement nouveau, c'était sa capacité de mettre en réseau (c'est un lecteur assidu
de Deleuze) dans une vaste transdisciplinarité les contenus les plus passionnants des recherches modernes
(même si pour moi, la vision des sciences cognitives comme synthèse de la science, de la biologie,
de la philosophie et de la psychologie me laisse rêveur quant la plupart des cogniticiens ne raisonnent
qu'en terme de logique, mais c'est une autre histoire.). Quand un auteur peut se permettre d'étayer
son écriture par sa capacité d'absorber et de relier les étendues les plus diverses d'un vaste ensemble
que l'on pourrait appeler "recherche", c'est-à-dire le désir de connaissance dans les questions les
plus hétéroclites, quand il sait mettre au service de l'intrigue un "appareillage" scientifique qui
argumente au sein même du roman (ce qui est une manière d'utiliser la science dans la littérature
qui est à l'inverse de celle de Houellebecq),on attend ses bouquins avec impatience. Babylon Babies
participe au même réseau que les racines du mal, mais là où j'ai nettement moins accroché, c'est que
l'intrigue proprement dite est moins présente et pour tout dire moins bien construite, narrativement
parlant que dans les œuvres précédentes. S'il y toujours cet appareillage scientifique intéressant,
il n'est plus cette fois directement au service d'une action. Tout se passe comme si Dantec avait
eu tout le matériau à disposition mais pas d'histoire à raconter. Ce que j'ai trouvé le plus cruel,
c'est que le personnage principal, déjà héros du premier livre de l'auteur, la sirène rouge, est pratiquement
inexistant, sauf dans une chouette première partie, ainsi que les personnages secondaires. Bref, rien
ne s'agite véritablement dans ce nouvel opus, même si l'on retrouve tout de même un certain plaisir
de lecture. Ce qui est amusant, c'est que dès que je l'ai terminé, j'ai dévoré immédiatement Les
Racines du mal, va comprendre… |
EM |
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La Vie est courte... de Thiriet et Larcenet - Humour Libre |
Nous avons dit dans ces colonnes le bien que nous
pensions de Larcenet, la manière dont ses bandes dessinées, par leur graphisme et par
leur humour, étaient de purs joyaux de l'humour "dans l'air du temps". Avec Thiriet
(voir Fluide Glacial), il publie ces jours le deuxième tome de la série La vie est
courte intitulé Jusqu'à présent... (et le premier Profitons-en
!). Ce sont des dessins uniques, légendés ou pas. La filiation avec Gary Larson
est évidente, et l'on retrouve les mêmes utilisations de l'absurde, du contre-pied, du
contre-emplois de personnes connues. Une publicité pour Rex-Miam-Miam "avec des vrais
morceaux de facteur dedans" est sans doute un hommage au maître américain. Cela
dit, le dessin de Larcenet sert admirablement ce type de bandes dessinées (d'ailleurs, ce ne
sont plus des bandes...) L'expressivité de ses dessins surclasse aisément les dessins
plus réguliers de Larson. Et cela fait un ensemble qui a vite fait de vous faire éclater
de rire dans un métro au milieu des gens interloqués (par exemple). Un seul regret bien
sûr, c'est trop vite lu. Si vous n'avez pas peur du ridicule, feuilletez-les dans le premier
grand magasin venu ( et n'oubliez pas de les acheter après, évidemment). |
PmM |
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