Je nage en plein rêve.
Le monde est trop parfait. Le ciel constamment bleu, avec juste quelques
nuages le soir pour faire joli, le chant des oiseaux (à Paris !),
tout me paraît irréel.
Heureux, bêtement heureux, quoi. J'ai tout ce qu'un homme peut espérer.
Et surtout, j'ai ma femme. Ca vous équilibre une femme, ça
fait passer le monde de pas trop mal à carrément trop génial.
Ce matin quand elle
est partie, elle s'est tournée pour m'envoyer un baiser. Comme
au ralenti, j'ai vu ses cheveux blonds accrocher un rayon de soleil qui
passait par là. Ils sont restés ainsi, immobiles. Dans ce
mouvement figé, sa jupe a flotté un instant. Pour moi, le
temps s'est arrêté quand j'ai aperçu le blanc d'une
culotte de coton. Le temps avait décidé de suspendre son
vol, alors je suis resté à la regarder.
Puis je me suis rendu compte qu'elle n'était plus là. Son
odeur flottait encore, mais la jupe et les cheveux, non. Son parfum ne
restait que pour me provoquer, me rappeler qu'elle était partie.
Partie travailler, partie pour la journée, mais partie.
Sa jupe n'était pas encore retombée qu'elle me manquait
déjà. J'ai fait tout l'appartement comme si elle pouvait
y être. Je l'ai cherchée partout. Sous le lit, je n'ai trouvé
que le chat. J'ai ouvert la penderie, et elle était là,
souriante. J'ai tendu la main, mais il n'y avait personne.
Je l'ai cherchée dans les bouquins, dans un bouquin que j'ai pris machinalement. Elle y
était presque, ou alors, c'est un peu moi qui y étais : une histoire comme la mienne,
un peu plus réelle peut-être. Un pauvre type qui cherche sa femme. Un roman réaliste,
quoi...
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