De très anciennes paroles montent des lèvres
de la mer.
Fil à fil quelques rues bateaux les perçoivent,
se détachent des trottoirs, dérivent et s'abîment, échouent dans un cul-de sac d'écumes.
Sur ces territoires évadés, des spleens de sirènes
résonnent sans corps.
Peu à peu pourtant, les tissus d'amour commencent à onduler au profond de lumières insensées qui
attirent les hommes. Rapides, ils les saisissent à la taille, les renversent pour les multiplier.
Un grondement de désirs argentés, peu à peu
enlace la ville d'eau. Des pensées masquées aux prières liquides appellent, se répondent.
Venise et l'Adriatique s'étirent bien au delà
de l'océan.
Voilà maintenant les égarés vêtus d'or qui miment
le feu et s'en viennent griffer les vagues, ouvrir leur ventre pour colorer la mer de leurs dedans.
Personne ne les veut. Ils se dressent alors péniblement vers les grands fonds, les poings serrés,
le visage déchiré par son étrange lumière violette, puis ils défroissent leurs nageoires qu'ils
offriraient bien pour un rivage, un frôlement d'amour humain.
Quand la nuit se fait puissante du spleen des
sirènes, ils s'enlacent enfin en pleurant, s'aiment dans l'ombre et le déguisement, au creux d'un
berceau d'algues agitées.
Après, leurs corps pressés se dissipent doucement
dans l'atmosphère du premier matin. On les imagine qui tentent de retenir la chair autour de leurs
pensées, mais leur fluide est si léger que rien ne persiste au delà de la nuit autiste.
Et rien encore n'a été compris. Les masques
persistent sous la peau de la lagune.
Un rocher muet, à la rive, plonge vers les voix
de Lune et de mer qui plissent l'univers.
Je le connais, sais qui il est. Je jette alors
mon masque et plonge, le suis dans un éclat de rire d'eaux nées.
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