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A travers le
brouillard caoutchouteux des restes d'anesthésie, Malik percevait
une vibration grave, un peu comme la corne de brume d'un bateau
au ralenti.
" Aaaaaaaaaaaaaaallllllllllloooooooooooooooooooooooeeeeeuuuuurrrrrr......"
Ses souvenirs
étaient troubles et flous, et il hésitait à
ouvrir les yeux. Il se rappelait de la glissade en voiture, du car
de flics ; il avait peur de se réveiller coincé sous
la ferraille. Ses sensations revenant au grand galop, il reconnut
tout de même les effluves chimiques de l'hôpital, ce
qui le rassura, mais la corne de brume continuait à couiner.
Il ouvrit les yeux.
Les têtes
poétiques de Varland et Ronnaf se mirent à flotter
dans un ciel immaculé, légèrement déformées
par les restes de substances licites et néanmoins planantes
qui embrumaient la vision de Malik. Lequel tenta de repiquer du
nez pour feindre l'évanouissement, mais bon, rien à
faire.
" Alors
Malik, on fait surface ?" grogna de nouveau Varland, tandis
que Ronnaf faisait craquer ses phalanges.
Ca oui ! Et
à vitesse grand V encore. En voyant l'air pas commode des
deux inspecteurs, Malik décida immédiatement, in petto,
et avec toute sa probité brusquement revenue, de collaborer
totalement avec l'enquête, fallait pas déconner, il
était suffisamment amoché comme ça.
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Jean-Michel
attendait depuis deux heures dans une chambre d'hôtel sordide
en compagnie de Pierrot les poucettes quand le gros homme arriva.
Il était accompagné de Truong "Face de nem",
ce qui était plutôt mauvais signe (pour Jean-Michel)
étant donné que Truong était son porte-flingue
attitré. Sans s'égarer dans d'inutiles salutations,
le gros homme déposa sa masse sur une chaise, en face de
Jean-Michel (avec la grâce d'un éléphant ricana
intérieurement celui-ci, mais en réalité, il
avait le trouillomètre à zéro) et lança
un unique "Alors ?". Puis il écouta les explications
de Jean-Michel, lui fit préciser un ou deux points et répéter
le scénario exact de la course poursuite. Il s'abîma
ensuite dans un silence interminable en regardant à travers
le rideau de dentelle sale la masse sombre de la maison d'arrêt
qui occultait en partie les lumières de la gare de Perrache.
Puis il se leva et sortit sans un regard pour les trois hommes.
Il y eût un léger flottement avant que Truong ne s'approche
souplement de Jean-Michel qu'il étrangla avec une rapidité
surnaturelle et une corde à piano munies de poignées.
Fallait pas
rater avec le gros homme.
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Malik avait
pris quatre ans fermes, un pour la destruction aggravée et
le délit de fuite et trois précédemment en
sursis pour diverses affaires datant de sa jeunesse folle. Il avait
intégré les confortables quartiers de la maison d'arrêt,
et jouissait d'une notoriété plus ou moins justifiée.
Et depuis quelque temps, il était amoureux comme une chèvre.
Faut dire que
Melle Caruso, toute de cuir vêtue, était venue le voir
au parloir pour tenter de lui soutirer des informations sur la perle.
Malik l'avait émue en lui parlant à coeur ouvert de
Youki ; entre le petit recéleur et la rousse incendiaire,
une étrange attirance avait initié les ravages de
l'amour passionnel et maintenant Melle Caruso n'arrêtait plus
d'apporter des oranges au prisonnier qui ne savait plus quoi en
foutre. Tous deux attendaient avec une impatience non dissimulée
la libération pour bonne conduite qui ne tarderait pas à
venir (le directeur de la maison d'arrêt adorait les oranges).
De perle il n'était plus question, hormis peut-être
celles que Malik promettait d'offrir à la rouquine de ses
pensées, qui ne pensait plus de son coté qu'à
améliorer le sort des pauvres prisonniers.
Bref, ça
roulait pour ces deux-là.
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Pour Varland
et Ronnaf, ça avait été plus coton, et le peu
de résultats de l'enquête avait semble-t-il amené
leurs carrières respectives sur une de ce solides voies de
garage semblable au triangle des Bermudes. Ils avaient peu de chance
de se voir un jour confier une enquête plus intéressante
que les habituels accélération de viagers ou assassinat
de teckels. Ils se consolaient en jouant en Arkanoïd, mais les
spectres de la perle et du gros homme continuaient parfois à
hanter leurs nuits. |
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Et Larick ? Il
avait enfin publié son grand article intitulé "Où
est la perle ?", avec les tenants et les aboutissants de l'affaire.
Ses preuves un peu minces ne lui avait pas permis de citer nommément
les intervenants, et son papier en était du coup un peu embrouillé.
Et puis il n'avait pu le publier qu'à sa sortie de l'hôpital,
où un tétanos malin contracté dans le tas d'ordures
l'avait cloué plus de quatre semaines, et franchement, son
article sentait un peu le réchauffé. |
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Et la perle
?
Bien au chaud
dans le ventre de Youki, elle ne profita à personne, sauf
peut-être à quelques uns des amants de Lucienne devenue
adolescente, qui se sentirent subitement incroyablement gaillards
après avoir bousculé l'hippotamme d'un coup de fesse.
Interprétant ce phénomène avec candeur, Lucienne
prénomma son premier fils Pôtame, car tel était
le nouveau nom de Youki. Et Pôtame fut un enfant du troisième
millénaire.
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FIN |
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