Toute superstition
sur l'an 2000 est de l'hérésie.
Les gens qui
s'embourbent dans le flou pour expliquer quoi que ce soit de ce
qui pourrait se passer, sont des hérétiques.
Toute la foule
incrédule des prédicateurs est hérétique et spécialement celle de
la mode et des artistes.
Tout ceux qui
ont choisi les constellations pour guide vers l'an 2000, je veux
dire une certaine croyance dans l'avenir, toux ceux qui se sont
laissés dévaster par la spirale des textes, tous ceux pour qui une
mare de café a un sens, tous ceux pour qui il existe un au-delà
par delà la lumière, et des détours par delà les réalités, ceux
qui sont les hurluberlus de notre époque, et ceux incapables de
reconnaître un réveillon d'un bug informatique,
---
sont des hérétiques.
Ceux pour qui
l'horoscope provoque une émotion, et un certain mode de vie, ceux
qui font le beau devant leur signe astrologique, et qui attendent
les croisements planétaires, ceux qui souffrent de ne pas se savoir
inférieur à toutes choses, ceux qui s'essoufflent à préserver l'impossible
illumination, ceux qui remuent la théologie du passé pour le présent,
ceux dont les ancêtres leur parlent si fort et ces ancêtres aussi
qui parlent si fort et qui parlent du déluge de l'avenir, ceux qui
croient au jugement dernier, ceux qui suivent l'agitation des acolytes,
qui agitent eux-mêmes des talismans, qui agitent bien haut leur
trèfle porte bonheur et leur patte de lapin à quatre feuilles,
--- ceux-là,
sont les pires hérétiques.
Je ne vois en
vous qu'un miroir de ceci !
Non, je ne peux
croire sans démonstration.
Et je vous l'ai
dit : pas de déluge, pas de paroles saintes d'église, ni même de
prédiction outrancière pour l'an 2000, pas de chute du réseau informatique,
pas de panne sexuelle des boursiers new-yorkais, rien.
Rien, sinon
une belle prise de tête, un enjeu commercial à peine dissimulé.
Un passage obligé
à la case départ, comme si il fallait réinitialiser le millénaire
pour repartir du bon pied.
Et n'espérez
pas que je m'arrête seulement à ce que je perçois, ce tout indescriptible
qui aime à se torturer, que j'ignore les tentatives occultes de
ces marabouts civilisés, que j'obéisse à la loi du tout cinglé imposé
par l'an 2000, que je m'écarte du chemin matérialiste qui me compose,
et que, tout en discutant, je me perde dans mon discours et que
je me mette à trembler face au réveillon. --- et qu'il m'éclaire
celui-ci de ces boules d'angoisses et ces guirlandes magiquement
préparé au passage 2000, qu'il m'annonce la fin, qu'il se vante
de maîtriser cette fin, toute préparée d'avance, toute empestée
de dates impossibles, nuances du calendrier sensibles et pénétrantes.
Ah cette situation
qu'on n'envisage même plus possible, ah ce lendemain de janvier
usurpé par les occultes perturbations cosmiques et informatiques,
ah ce minuscule fiasco de la pensée humaine rattrapée par la peur
de l'an 1000, ah ces heures de folie préparant la fuite, ah cette
impression insignifiante de vivre l'événement d'une vie, ah ce peuple
fourmillant dans ces boites de nuit ou sur les plus grandes places
du monde pour s'écouter entendre les douze coups de la tromperie
de l'an 2000, ah ces soirées fortunées où les pauvres s'encroûtent,
ou les riches s'abreuvent de leur nouveau rôle. --- ce seront toujours
les mêmes qui mangeront la poire au dessert, ce qui seront toujours
les mêmes qui se serviront du couteau et de la fourchette, qui garderont
bien haut leur serviette, ignorant la liesse populaire galvanisée
pour l'occasion. Scénariste de tous poils, écrivains amateurs sans
courage, artistes désabusés, acteurs introvertis, tous n'auront
plus qu'une seule langue, celle de l'an 2000, bouffonnerie hérétique,
sans queue ni tête.
Je vous l'ai
dit, que je n'ai plus de croyance ni de sens, ce n'est pas une raison
pour que vous me laissiez seul dans mon errance.
Allons, je serai
heureux au lendemain de ce jour pieu idolâtré par des milliards
de fidèles baptisés pour l'occasion, qui feront de ce jour un jour
saint qui feront de leur corps presque plus rien. Alors on reconnaîtra
l'inexistence de cette peur, alors on aura compris qu'au delà de
2000, il n'y aura rien d'autre que nos vies simples de dépressifs
impies. Alors on les verra pleurer ceux qui désirer le déluge, alors
on les verra s'enfuir les prédicateurs de tout bord, alors on ne
sentira plus cette odeur de liesse juvénile qui avait construit
l'existence de l'an 2000. Alors on comprendra qu'il n'y a pas d'autre
échappatoire que l'oubli, alors on oubliera nos erreurs événementiels,
on rira de nos craintes et de nos haines. Alors, le bug ne sera
plus qu'un simulacre de ver de terre s'infiltrant dans le sol de
notre passé, alors on comprendra la supercherie du marché des services,
alors les fantômes se dégonfleront comme aspirés par la réalité,
comme effacés de nos vies, alors leurs peaux de caméléon n'auront
plus qu'une forme grise et sombre, alors leurs discours seront vides
et longs, mélancoliques, ils chercheront ailleurs un moyen de multiplier
leurs dividendes, alors ils trouveront d'autres mythes, d'autres
légendes pour que les gens puissent dire qu'ils craignent à nouveau
l'avenir.
Alors, je me
tairai et éteindrai mes paroles à jamais, fatigué par ce monde de
frustrés.
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