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Dans le sud de
la Chine existe une région dont la beauté des paysages
a nourri l'art chinois plus que tout autre, dont les images rapportées
sont devenus pour nous un certain symbole d'une chine ancienne et
millénaire. Dans le Guangxi, près de la ville de Yangshuo,
l'érosion des montagnes quartziques a créé une
multitude de montagnes en pain de sucre qui semblent fichées
dans un sol de limon plat patiemment mis en culture pendant des siècles. |
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Au sortir de
la ville, sur les vélos que nous avons loués, notre
promenade dans les environs de Yangshuo devient largement onirique.
Entre les pics abrupts couverts de végétation, les rizières
étalent leur régularité verdoyante encadrée
par les fossés d'irriguation. Les chemins de terre rouge que
nous empruntons tracent au sol le réseau artériel d'une
campagne calme et façonnée par l'homme depuis des millénaires.
Les bouquets de bambous nous abritent: leurs énormes troncs
oscillent dans le vent avec les plaintes régulières
de vieux galions exténués. Nous trouvons un phasme dont
le corps vert annelé de jaune reproduit les petites tiges de
bambou. Nous pédalons au vert: le vert omniprésent du
riz, des arbres, des bambous et des plantes |
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Dans ces champs,
nous croisons parfois un paysan et son buffle d'eau, dans une sorte
de "touche parfaite" au tableau champêtre dans lequel
nous sommes projetés. Quel effet cela fait-il de se trouver
plongé dans une carte postale ? Nos paysans en bleu sombre
ont de grands chapeaux de paille et mènent d'une baguette
nonchalante de grands buffles fauves aux cornes épaisses.
Comme la plupart des chinois, ils sont assez étonnés
de nous voir: nous sommes sans doute de grands barbares blancs dans
cet océan de couleurs vertes ou délavées. Et
c'est ainsi en extraterrestres que nous goûtons le plaisir
de pédaler dans les chemins boueux de ce monde étrange
et pourtant familier.
Il ne nous faut
plus tard que quelques heures de bus chinois pour trouver un autre
trésor de notre imaginaire d'Asie. Dans une région
protégée où vivent les ethnies minoritaires
chinoises, nous découvrons les rizières en étages
sculptées dans les montagnes, à perte de vue et d'imagination.
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Ici, tout le
monde nous sourit, mais c'est sans doute parce que nous représentons
une manne conséquente. Plus tard, après nous être
fâchés avec l'autorité chinoise (étrangère
à la minorité, donc) du village, nous récolterons
quelques sourires sans doute plus authentiques. Ce sont les femmes
qui nous accompagnent entre les rizières jusqu'aux maisons
de bois, les hommes sont au travail de la terre et des étagements
depuis le matin. |
Dans
une des grandes maisons de bois, au premier étage, nous
devenons le centre de l'attention générale. Les
femmes du village ont toutes amené les ingrédients
de notre repas, et la cuisinière en chef pèse
scrupuleusement chacun des apports pour déterminer la
quote-part de chacune au moment de la répartition de
ce que nous leur donnerons. Lorsque nous seront tous attablés,
les femmes pépiantes se regrouperont et discuteront,
parfois avec véhémence, de cette répartition,
jusqu'à ce qu'elles éclatent de rire au milieu
du silence que nous avions fait pour les écouter. Un
peu de fraîcheur et de sincérité dans le
tableau vivant que les minorités semblent parfois jouer
à l'attention des touristes barbares.
Le repas, simple, nous semble forcément délicieux,
sans doute parce que nous assistons à sa préparation
les fesses calées sur de minuscules tabourets, serrés
autour du foyer de cette maison immense où vivent plusieurs
familles. |
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Bien d'autres
minorités partagent les flancs des montagnes couvertes de rizières.
Nous les laissons bientôt à leur bonheur paisible. Nous
retournons à Yangshuo goûter l'harmonie du bambou et
de la terre et du riz. |
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Photos de
Bérénice Billion et Daniel Sanchez |
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