C’est d’un vaste
placard où s’entassaient les affaires de tennis et de golf du vieux
qu’Helain avait enfin déniché quelque chose de potable : un énorme
sac à dos sentant la poussière, au fond duquel elle retrouva une
longue pipe à petit fourneau, quelques morceaux de carton et une
boulette de haschisch dur comme de la pierre. Elle en avait fait
un mauvais joint dont le goût âcre la faisait tousser et cracher
comme un charbonnier. Elle achevait de remplir le sac lorsque le
vieux entra dans la pièce.
« Encore une
lettre de ce type qui prétend être votre fils, madame. Il ... qu’est
ce que c’est que cette odeur ? Et qu’êtes-vous en train de faire
?
- Du hasch,
mec. Du bon vieux hasch que tu planquais derrière tes clubs de golf.
Comme tu vois, je mets les bouts. Et arrête un peu de m’appeler
madame alors que c’est toi qui as cinquante piges. Je te jure, ça
fait con. »
Il prit une
large respiration et se redressa de toute sa hauteur.
« Je crois en
effet que c’est ce que vous avez de mieux à faire. Je ne préviendrai
pas la police à propos de ces stupéfiants que vous vous êtes procurés
Dieu sait comment, mais je ne tolérerai pas une seconde de plus
qu’une droguée envahisse ma maison. Quant à me jeter de la sorte
des décennies au visage, je crois que vous feriez mieux de consulter
un miroir. Vous n’êtes guère mieux lotie sur ce point. »
Helain boucla
son sac avec des gestes lents et s’assit sur le lit.
« Qu’est-ce
qui se passe, bon Dieu ? Qu’est-ce qui nous arrive ? Tu y comprends
quelque chose, toi ? Y a pas deux semaines, j’étais en pleine manif
contre cette putain de guerre au Viêt-nam. On faisait un sitting
devant la Maison Blanche, avec les frères de la Communauté. On était
là, à fumer des joints en parlant de choses et d’autres ...
D’un coup,
les flics débarquent et nous collent tous en cellule. On proteste,
on chante, on se résigne à y passer une nuit ou deux, je m’endors
et crac ! je me réveille ici, dans une chambre rose cul que je ne
connais pas, couverte de rides et d’une nuisette ridicule, moi qui
dors toujours à poil, à côté d’un vieux con de militaire pas plus
frais que moi. Et voilà qu’on reçoit des lettres du bout du monde,
écrites par un type de notre âge qui nous donne du « chers
parents ». Et ça fait 10 jours que ça dure ! Qu’est-ce qui se
passe, bon Dieu ! Qu’est-ce que ... »
Elle se mit
à pleurer, à pleurer sans pouvoir s’arrêter, comme elle ne l’avait
pas fait depuis la mort de son grand frère emporté par une grenade
américaine du côté de Saigon, deux ans auparavant – mais était-ce
deux ans, ou vingt, ou trente, ou plus ?-
L’homme s’assit à côté d’elle et elle se laissa aller entre ses
bras.
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