Vers une laïcisation des L.I.? Retour à la page précédente Retour au sommaire de KaFkaïens Magazine
 

En 1608, le Roi de France, comme nous l'avons déjà relaté, lancait la première expédition d'importance dans les profondeurs du Shéol. Cette expédition devait avoir des retentissements considérables pour toute la race humaine mais aussi, et ce n'est peut-être pas si surprenant que cela, pour les habitants de ces régions et notamment pour leurs littératures.

Entre ces deux dates - circa 750 et 1608 - celles-ci avaient suivi une évolution lente mais perceptible qui, surtout au cours des deux derniers siècles, avaient vu un ré-équilibrage progressif de leur sujet. Si la primauté humaine était dans la plupart des cas maintenue, la part des démons s'était progressivement accrue et la plupart des vitas s'étaient rapidement élargies jusqu'à englober les événements significatifs postérieurs à la damnation, ainsi que les noms et pédigrees des personnalités démoniaques impliquées. Après ce qui devait, grosso modo, être l'an mille de notre ère, les premières "biographies" de démons importants firent leur apparition. Les plus anciennes de nous connues étant le Cornush'sp, le Arshtat'sp et le Uort à Mori'sp. Elles remportèrent elles aussi un succès considérable ; moins peut-être dans leur diffusion que dans leur rédaction car, si cette dernière était un moyen infaillible de se concilier les faveurs de quelque grand personnage, la lecture des premières oeuvres de cette période est la plupart du temps considérée extrêmement ennuyeuse. Les rédacteurs de cette tendance seront pourtant par la suite les premiers à se lancer dans des recherches d'ordre stylistiques, sans grand succès tout d'abord il faut bien le dire.
Cette évolution, pour lente et inconséquente qu'elle puisse paraitre, est pourtant considérée par certains comme absolument cruciale pour les littératures infernales. Beaucoup qualifiant ce "recentrage sur le démon" de véritable laïcisation des L.i. préparant le terrain pour les évolutions futures.

Cela mérite sans doute d'être expliqué, tant les tenants de cette thèse n'ont pas manqué d'avancer, surtout au cours des dix dernières années, d'arguments perturbants. Que le centre de la vie démoniaque soit l'obligation de "s'occuper" (c'est là en fait le terme qu'eux-mêmes utilisent) des damnés ne fait guère de doute comme il ne fait pas de doute que les démons ont peu de possibilité de s'évader de cette obligation. De là à avancer que celle-ci est de nature religieuse, il n'y a qu'un pas que beaucoup ont franchi, revoyant de nombreuses traductions de textes démoniaques pour mettre à jour des inconsistances surprenantes. Ce débat étant extrêmement technique, ce n'est pas ici notre propos que d'en expliquer tous les détails, mais il semblerait en effet que les écrits démoniaques - rédigés en une langue incroyable de concision - fassent souvent référence, sans le ou les nommer, à certaine(s) divinité(s). Que cette absence d'identification tiennent à la nature particulière des langages infernaux - notamment à cette habitude éprouvante pour le traducteur de ne pas mentionner ce qu'il tient pour évident ou simplement les mots ou membres de phrases déjà employés- ou à un impératif religieux, genre tabou, reste encore à déterminer.

Deux hypothèses ont été avancées quand à la nature de cette ou de ces divinités, hypothèses qui, toutes deux, il faut bien le dire, sont, d'un point de vue éthique, inacceptables. Nous nous contenterons donc de les mentionner ici sans les discuter plus avant : la première école suit toujours les travaux de Victor Slaintars, publiés dans les années 1950, qui identifia cette divinité à notre Trinité divine et pour blasphématoire qu'elle soit - Slaintars fut excommunié en 1958 et brûlé sur le bucher à Carcassonne en 1962 - explique au moins la réticence des écrivains infernaux à Le mentionner par Son Nom. Les tenants de la seconde hypothèse, qui sont les plus prolixes sur ce thème de "laïcisation" affirment que ces dieux auquels les textes font référence sont en fait les damnés eux-mêmes, et que les éternités de torture et de souffrance ne sont que les expressions de l'adoration démoniaque.

Nul doute qu'une explication plus satisfaisante sera avancée quelque jour prochain…

 
 
AS
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