Le Fauteuil en Velours Brun Retour à la page précédente Retour au sommaire de KaFkaïens Magazine
 

Fauteuil, tu es concept ultime de plaisir, concept de lecture, concept de lumière, concept de boisson (Norman Conqueror : deux parts de vodka, deux parts de calvados, deux parts de jus de pomme frais, et un trait d'Angostura) et concept de chat. Tes bras ouverts accueillent toujours avec patience, et sans rechigner, mon corps épuisé qu'accompagnent les gouttelettes échappées du verre, les griffes ouvertes du chat, les étincelles du feu et la poussière impalpable qui s'échappe des livres aux reliures cassées...

 
Le néant quotidien de Zoé Valdès - Actes Sud
La flèche du temps de Martin Amis - 10x18
Effroyables jardins de Michel Quint - Editions Joelle Losfeld
Quelques nuages de Paco Ignacio Taïbo II - Rivages/Noir
Treize contes étranges de Vincent Ravalec - J'ai Lu
Sempre Caro de Marcello Fois - Points
Legend de David Gemmel
Glamorama de Bret Easton Ellis - 10x18
 
 
Le néant quotidien de Zoé Valdès - Actes Sud

Il faut vous avouer qu'au moment où j'ai ouvert ce livre, je me préparais à écrire des carnets de route sur Cuba.
Et voilà qu'un démon espiègle me l'a fourré entre les mains. Mais peut-être était-ce encore un coup de ma bonne étoile. S'il m'avait fallu le lire a posteriori, j'aurais sans doute conçu une certaine honte pour avoir pondu un tel charabia et être passé complètement à côté de la réalité du pays. Il est certain qu'à errer dans les rues de La Havane, on y sent comme une étrangeté, une indicible tristesse. La ville est sans conteste la plus splendide cité des tropiques, et elle pourrait aisément rivaliser avec Paris ou Prague. Elle rappelle -rien de surprenant à cela- les petites perles de l'Andalousie, en particulier Séville. Pourtant, il suffit de quitter le front de mer et de s'enfoncer dans les ruelles perpendiculaires à la Calle Obispo pour que les couleurs disparaissent. Ne reste que celle de la poussière, et le gris sale des Solars, ces anciens palais coloniaux transformés en appartements bon marché pour une population dénuée de tout. La ville respire alors la nostalgie. Tout cela, le promeneur occidental le sent, le voit. Mais on n'imagine pas pour autant le quart du commencement du quotidien des Cubains.

Le livre de Zoé Valdès ne parle que de ça. Le quotidien d'un pays rampant dans la ruine depuis si longtemps que la mémoire de l'opulence s'est perdue, si elle a jamais existé. La perte de l'innocence, la perte des illusions de jeunesse. Les ambitions dérisoires, les vocations gâchées car tout, y compris les carrières professionnelles, est assujetti au plan. Entre le blocus américain et le régime castriste, il semble qu'à Cuba, la politique n'existe que pour empêcher les gens de vivre. Le combat pour maintenir une vie décente, le troc du riz contre du savon, du savon contre du pain, du pain contre du dentifrice, du dentifrice contre une paire de chaussures. Le luxe inouï, deux ou trois fois dans une vie, de pouvoir s'offrir une part de pizza.

Au milieu de cette lutte, Yocandra mène un second combat. Au delà de la survie matérielle, elle se débat pour exister en tant que femme, pour avoir le droit de porter un nom qui soit le sien, et pas celui dont son père, fervent syndicaliste, l'a affublé à la naissance : Patrie. Pour le seul orgueil de pouvoir s'en dire le père. Les noms, d'ailleurs, sont une histoire à eux seuls dans ce petit livre où les héros ne portent que des surnoms : le Traître, le Nihiliste, la Vermine. Souci de préserver un anonymat vital ? Jeu littéraire ? Réalité culturelle ? Un peu des trois. Le Néant Quotidien, par delà sa tristesse, son sordide, sa noirceur parfois, reste un livre des Tropiques. On y retrouve cet art de la phrase longue où se côtoient lieux communs, détails triviaux, éléments magiques, animisme. Rationalisme politique et invocation des Orishas. On y retrouve toute la richesse d'une écrivaine dont les références vont de Umberto Eco a Jorge Amado, de Sartre à Garcia Marquès. On y retrouve, malgré tout, presque malgré elle, toutes les couleurs des Caraïbes, tout l'amour pour un pays baigné de soleil où la Nature se montre infiniment plus généreuse que l'homme. Si jamais, après avoir lu ma bafouille, vous vous décidez à l'ouvrir, assurez-vous simplement de n'avoir rien de prévu dans les quatre ou cinq prochaines heures. Assurez-vous également que, près de l'endroit où vous habitez, il y a un aéroport desservant régulièrement La Havane. Parce qu'on ne peut pas en rester là. Parce qu'en le refermant, je me suis senti pris d'une seule envie : retourner là-bas. Voir, comprendre. Retrouver la trace de Yocandra, m'asseoir en face d'elle, et l'écouter me raconter son quotidien.

FXS
 
 
La flèche du temps de Martin Amis - 10x18

Surprenant dialogue entre un auteur de KaFkaïens et un lecteur de La Flèche du temps, non ?

- Ah ? Et bien, cher lecteur, merci pour ces éclaircissements !
- Non, pas trop... Une fois qu'on sait que même les dialogues sont inversés...
- N'est-ce pas trop difficile ?
- Il n'y a qu'en lisant qu'on peut réellement comprendre...
- Je ne suis pas sûr d'arriver à bien saisir.
- Oui, parce qu'elle crée une distance, entre le lecteur et les mots. Combien de fois me suis-dit : "Oh non, c'est pas vrai ! Dites-moi que je n'ai pas compris !".
- Et l'inversion de la flèche du temps permet ça ?
- Je ne veux pas révéler l'histoire, mais le livre entier a pour thème cette question morale : pourquoi est-ce mal plutôt que bien ?
- Rien que ça ?
- Outre son originalité, elle pousse le lecteur à réfléchir. Mieux encore, elle relativisme les notions de bien et de mal, en les replaçant dans une causalité temporelle...
- Et quel est l'intérêt d'une telle démarche ?
- Dans tout le roman, les conséquences précèdent les causes. Par exemple, un enfant joyeux se met à pleurer lorsque le héros lui prend la glace qu'il tenait pour l'échanger contre de l'argent à l'épicier du coin !
- Comment ça ?
- Complètement déroutant ! Il faut souvent faire un effort intellectuel intense pour remettre les éléments dans l'ordre...
- N'est-ce pas un peu déroutant ?
- Tout à fait, en remontant le temps !
- A l'envers !
- C'est très simple. C'est la vie d'un homme racontée à l'envers.
- Pouvez-vous nous rappeler la particularité de ce livre ?
- Il m'a été conseillé par un ami qui avait été emballé...
- Cher lecteur, comment avez-vous connu La Flèche du temps ?

LN
 
 
Effroyables jardins de Michel Quint - Editions Joelle Losfeld

C'est un tout petit livre, une nouvelle XL... Disons, un petit texte, plutôt. Fiction, hommage ou témoignage ?
Ca commence par une espèce de fait divers où l'on nous affirme que, lors du procès Papon, un clown a tenté d'entrer dans la salle d'audience. Puis on bascule 40 ans en arrière, puis plus loin encore, en pleine deuxième guerre mondiale, dans la résistance.
Drôle de mélange, non ? De surprenant, ce texte devient étonnant, puis haletant, et enfin si émouvant que je n'ose pas en révéler plus. Cette petite histoire de clown, ce mélange de rire et de peur, de dérision et d'horreur m'a vraiment touché. On a le sentiment d'un tout complet, où se mêlent les différents ingrédients qui font une histoire, une vraie.
Et d'ailleurs, cette histoire est-elle vraie ? Ce livre est délié à Bernhard Wicki, l'un des héros de l'histoire. Se peut-il alors que ce soit une fiction ? Non, la dédicace est bien réelle ! On ne dédie pas un livre à un personnage de fiction ! Ce ne serait pas logique. C'est donc un témoignage, une histoire vraie, un parabole extraordinaire, un exemple de ces petits actes de rien du tout, de ces rencontres qui altèrent une guerre, qui bouleversent une vie...

LN
 
 
Quelques nuages de Paco Ignacio Taïbo II - Rivages/Noir

Moins fouillé que les autres ouvrages de l'auteur, ce second épisode des aventures du détective Hector Belascoàran Shayne n'en porte pas moins sa griffe. Nous y retrouvons un Mexique de la corruption et des fausses petites gens. Les héros de Taïbo, malgré une vie modeste, n'évoluent jamais très loin des cercles de pouvoir. Cette nouvelle enquête mène notre détective au cœur de tribulations qui voient les puissants du pays se disputer le bénéfice d'un héritage issu de l'argent sale, ravageant au passage la vie de certains de ses proches.
Chacune de ses enquêtes charrie son lot de désillusion, d'amertume. Si l'intrigue, intelligente mais un peu courte, ne retient pas réellement l'attention, les personnages en revanche constituent le petit trésor de ce livre. Anita, héritière, veuve et violée ; l'écrivain Paco Ignacio Taïbo (propre père de l'auteur), en lutte depuis des années contre la même organisation et menant une vie de marginal ;Shayne lui-même, guère plus qu'un cadavre, avec son oeil de verre et sa claudication ; mais aussi el Angel II et el Horrores, ou les colocataires du bureau du détective - un tapissier, un plombier et un " expert en drainages profonds " ! -. Les histoires particulières occupent toute la place dans ce petit roman qu'on déguste sur le pouce avec la même délectation qu'on a mis à engloutir, parfois laborieusement, d'autres titres comme A quatre mains.

FXS
 
 
Treize contes étranges de Vincent Ravalec - J'ai Lu

Treize petits contes de Vincent Ravalec, voilà un plaisir que l'on aurait tort de se refuser. Si vous avez déjà lu les oeuvres de Ravalec, et particulièrement Cantique de la Racaille, vous savez quelle est la force de son expression et la pertinence de ses textes, dont nous nous étions déjà fait l'écho dans notre critique de Nostalgie de la magie noire. Nous avions déjà parlé d'ailleurs dans cette même critique de sa tendance à un certain mysticisme de l'écriture, qui tout en étoffant de manière certaine la qualité littéraire de ses textes en fait parfois perdre une partie de l'efficacité sociale. Evidemment, ce n'est une déception que lorsqu'on essaie à toute force de classer définitivement Ravalec dans le petit tiroir des auteurs modernes à préoccupations sociales, ce qui est une erreur indéniable. Reste bien sûr que si l'on ne peut qu'approuver et admirer la force et la justesse sociale de ses textes, on peut également être partagé quant à la portée de ses envolées mystiques, simple question d'affinités littéraires.

Treize contes étranges est tout entier empreint de cette dualité. Le premier "Un personnage détestable" est une pure merveille que l'on espère pas trop autobiographique, un jeu sur les thèmes classiques de l'humanité de l'artiste, de la créativité et de l'inspiration. La deuxième est une très délicate évocation des doucereux sentiments de l'enfance. La troisième une sombre et prenante histoire d'espoir et d'impuissance humaine dont certains passages vous laissent désarmé et vulnérable. La quatrième une très sensuelle et dégoûtante histoire de sueur et de rêve. Et puis les suivantes des histoires de faiblesse humaine, de mal-être, de vols et d'espérance, toute cette part noire de notre humanité qui est la condition d'existence d'une part meilleure en laquelle on puisse croire. Toutes les nouvelles du recueil sont pratiquement aussi bonnes, plus ou moins mystiques, certaines sont un peu trop absconses à mon goût. Mais le cohérence ce du recueil n'en est pas menacée, et d'ailleurs est-ce important ? Chaque petit bijou de nouvelle se suffit en lui-même. A lire vite !

PmM
 
 
Sempre Caro de Marcello Fois - Points

Sempre Caro est une histoire sarde, une belle histoire de jalousie, d'argent, de meurtre, de vengeance et surtout d'amour. Et au-delà de cette histoire, Sempre Caro est un parfait exemple de ces romans dont je ne peux m'arracher, de ces romans fascinants parce qu'à lire entre les lignes on trouve bien plus que l'histoire contée par l'auteur. Dans le texte de Marcello Fois, on perçoit en effet toute la Sardaigne, l'histoire de la Sardaigne, cette composante unique et méditerranéenne qui donne aux thèmes classiques de son livre cette résonance tragique. Sarde et italienne, l'histoire de Fois balance entre deux cultures dont l'affrontement se traduit jusque dans le mélange des langues (le texte original comporte de grandes parties en sarde), affrontement qui n'en est pas vraiment un, plutôt une lutte sourde de résistance à l'assimilation, une revendication larvée d'existence qui surgit dans chaque détail du livre, l'enquête de l'avocat sarde, ses rapports avec le préfet incarnant l'Etat (et donc l'Italie), la trame de l'intrigue et les commentaires des notables de l'île... et cette tension, ajoutée à l'histoire elle-même, transmise par le style très étrange de Fois, par le mélange des types de narration, par le mélange des langues, toute cette tension vous fait ressentir la singularité de cette île, plus sûrement sans doute que n'importe quel carnet de route ou guide de tourisme.Et c'est l'art de ce livre que nous permettre de ressentir, même superficiellement, la nature même des habitants de la Sardaigne.

PmM
 
 
Legend de David Gemmel

J'avais seize ans, non plutôt quinze, quand pour la premiere fois j'ai lu le Monde des non-A. Je sais que c'est ridicule mais ce livre, je l'ai relu au moins quinze fois. Peut-être vingt.
Parce que, quand vous avez quinze ans, certains livres sont encore capables de vous laisser une telle impression, de vous marquer pour longtemps, de vous changer peut-être. Alors peut-être, non, ce n'est pas ridicule. Ce qui est ridicule, c'est ce qu'on devient.
On ne devrait lire que de bons livres…
La lecture, vous allez rire, c'est un peu comme une ampoule au pied, ou une douleur musculaire. Si vous marchez pendant suffisamment longtemps vous commencez à vous engourdir, la douleur s'estompe et vous cesser de boîter, comme si vos nerfs sur-sollicités "disjonctaient" et vous laissaient tranquille. Et, au bout d'un moment, vous ne pouvez plus comprendre pourquoi un livre vous a tant ému quand vous aviez quinze ans. Car vous ne retrouvez plus cette sensation au coeur des livres nouveaux. Bien sûr, vous vous dites qu'il n'y a qu'un faible pourcentage de bons livres, avec raison d'ailleurs (95% de tout ce qui est publié est fait de merde pure et simple) et qu'il faut continuer à chercher.
Alors vous lisez encore, avec espoir, encore.
Et vous ne vous rendez pas compte que, ce faisant, vous vous engourdissez, vous devenez encore plus imperméable à la magie d'un livre nouveau. Vous n'avez plus quinze ans et la plupart des livres sont mauvais. Certains sont même criminels quand ils manquent détruire tout à fait votre foi en la lecture. On ne devrait lire que de bons livres.
Et puis, un jour, après ce qui sans doute vous a semblé une éternité passée à fouiller les recoins encombrés du cerveau commun de la grande légion des écrivains merdiques, vous tombez sur David Gemmel et un bouquin intitulé Legend et pour un peu de temps, vous retrouvez la foi. Principalement la foi dans les miracles car Legend est un petit chef-d'oeuvre et, de toutes les branches de l'arbre SF, la fantasy, et plus encore l'heroic-fantasy est sans doute la moins capable de produire des chef-d'oeuvres. Plus que toute autre, elle est une littérature de conventions et de clichés auxquels, pour les suivre ou les briser, le narrateur doit sans cesse se référer. Ceux, trop nombreux, qui les suivent aveuglément ne feront que produire à la chaîne des fac-similés du Seigneur des Anneaux (Raymond Feyst par exemple) mais, parfois, certains, comme Donaldson et ses Chroniques de Thomas l'Incrédule, ce héros lépreux, impuissant, intéressé avant tout par sa propre survie, peuvent en se tenant sur l'amas des conventions en miettes atteindre au chef-d'oeuvre.

D'autres, comme David Eddings, essayeront de les utiliser, de les tordre ou de les changer, les dissimulant parfois sous la véracité des personnages, l'humour des situations (Les Tamulis).
Mais David Gemmel, lui, s'avancera tout en puissance.
Il ne brisera pas ces clichés, ne les entortillera pas non plus pour s'en servir, il écrira de la fantasy sans complexe. Rien de plus conventionnel que ses héros: un lâche cynique qui découvrira les vertus du courage et de la loyauté, une jeune fille qui veut être un guerrier, un roi barbare mais honorable qui veut par la guerre réaliser l'unité de son peuple opprimé, et Druss la Légende, le vieux soldat invincible que sa force commence à déserter et qui se résoud à mourir en un dernier combat. Conventions? Oui. Mais clichés?
Car prenant ces personnages et les placant dans une situation d'une simplicité thermopylesque (le siège d'une forteresse, l'ennemi est là, plus que largement superieur en nombre, tous devront mourir pour l'arrêter…) et par la seule force de son écriture et de son amour pour ses personnages, David Gemmel fera plus que simplement transcender les conventions, il les fera s'incarner sous nos yeux, de clichés les fera archétypes.

Coincé que je suis dans un pays barbare, je n'ai pas eu accès à la traduction francaise de Legend, je ne puis qu'espérer qu'elle sera à la hauteur de l'original. Et envier ceux d'entre vous qui, pour la première fois, vont ouvrir ce livre…

AS
 
 
 
Glamorama de Bret Easton Ellis - 10x18

Nous avons souvent parlé dans ces colonnes de la production américaine actuelle de best-sellers, de tous ces livres parfaitement calibrés que l'on dirait écrits par des machines et que l'on essaie de nous faire prendre pour de la littérature. Bret Easton Ellis, même s'il est un auteur utilisant les mêmes circuits de distribution et les mêmes méthodes de marketing, possède une force que les autres auteurs n'ont pas. Lire un de ses livres est toujours une épreuve fascinante. American Psycho, son coup de maître, avait déjà considérablement brisé le petit ronron éditorial de la mode des livres sur les serial-killer. Livre terrible, parfois insoutenable, il avait révélé Ellis et son style chaotique, mélange permanent de réalité et d'imagination indiscernables plongeant le lecteur dans l'expectative permanente d'un point fixe où accrocher un quelconque schéma narratif qui lui permettrait d'appréhender le livre dans son entier. Bien sûr, Ellis prenait à dessein le contre-pied permanent de ses propres affirmations pour mieux plonger le lecteur dans l'univers schizoïde du tueur, complétant sa prose par un bouillonnement terrible de détails futiles, parfaitement symétriques avec la futilité permanente des pensées de ses personnages, pour "noyer" le lecteur et le laisser pantois.

Dans Glamorama, Ellis utilise le même procédé dans un but différent. Il ne s'agit plus de nous faire sentir le décalage entre la vie réelle et la vie d'un schizophrène, mais de se livrer à une petite réflexion sur l'image de soi. Ce qui rend cette réflexion terriblement incisive est qu'elle se déroule dans le petit monde fermé des gens branchés, toujours sous les feux des caméras et des appareils photos. Examiner sa propre image à travers les yeux des gens que l'on fréquente, et contrôler la progression de cette image dans les médias qui sont eux-même la référence des gens que l'on fréquente. Double jeu où l'individu se perd au point de n'être plus que l'esclave de cette image extérieure de lui à laquelle il s'efforce de correspondre. Maître mot du livre : cool. Il faut être cool, adopter cette attitude qui donnera l'image parfaite. Parfaite pour quoi ? Cela n'a pas d'importance ! Il ne s'agit que d'être parfaitement cool dans le moment, dans l'instant, et surtout dans l'instant où le flash vous illumine.
La première partie du livre de Ellis est brillante, extrêmement nerveuse et trépidante. Dans la deuxième partie, Ellis ajoute un degré supplémentaire de différenciation au personnage principal, qui est en permanence en tournage d'un film, sans que l'on puisse savoir s'il s'agit d'un film réel ou de la projection permanente du fantasme d'images du héros. Dans American Psycho, quelques indices finaux permettaient de faire des suppositions sur ce qui était finalement réel et sur ce qui ne l'était pas. Dans Glamorama, rien ne permet de trancher (à moins qu'un indice soit caché au fond d'une description absconse comme la fin du livre en comporte beaucoup) et le lecteur reste en proie au doute, voire à la lassitude. Et comme nous le disions au début, on reste donc pantois devant ce livre, incapable d'analyse, impressionné comme la pellicule d'un appareil de paparazzi.

PmM
 
 
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