Mon écran s'est éteint depuis plus d'une demi-heure, je ne sais pas ce qui se passe, mais quelque chose est en train d'arriver. Il n'y a personne dehors, pourtant je devrais voir du monde sur la place, un samedi soir… Peut-être qu'il y a eu une nouvelle alerte aux radiations ?
Non, j'aurais
entendu la sirène… Et Benoît qui n'arrive pas. J'espère que son
écran n'est pas aussi pourri que le mien. Juste au moment où je
commençais à y comprendre quelque chose… Résumons : je suis devant
mon ordinateur dans lequel j'implante des informations sur la réalité
qui passe sur le réseau et qui deviennent les fondements du calcul
de la nouvelle bases de données. Je me contente de passer des informations
et je ne comprends même plus à quoi servent la plupart d'entre elles.
J'espère qu'il n'y a pas un virus dans le programme. " tOpOs " quel
nom à la con… ce que je ne comprends pas c'est comment les informations
que je récupère sont traitées par la machine et surtout pourquoi
est-ce qu'elles me reviennent systématiquement exprimées dans un
langage différent. Je lui avais dit à ce connard de Franck qu'en
programmant en plusieurs langages à la fois, on allait droit au
plantage… "chef de projet " mon cul, oui…
Il n'y a toujours
pas un chat dehors, c'est dingue. Le soleil a un drôle d'effet sur
les nuages. Toujours pas d'écran… D'un autre côté, si je copie mes
lignes de code, pas de risque que je me plante, je pourrais le faire
les yeux fermés. Suffit juste de réfléchir à tout et prier pour
pas se planter. S'il est pas là dans dix minutes je m'y mets.
<…>
Je vois les lignes de code. L'écran est parfaitement noir.
Putain, qu'est-ce qui m'arrive ?
<…>
Un messager, un ange ou un démon. Tous sont des messagers. Dieu ne parle pas, sa voix est hors de portée de notre appareil auditif. C'est un ange qui parle pour lui, le Métatron, le porte-parole de Dieu. Des messagers…
<…>
Je sens qu'on me réclame, je sens tout ce que je peux apporter.
Je n'ai qu'à taper une ligne de code et c'est une plainte qui s'éteint dans ma tête. Là-bas, ils réclament tous mon aide, ils sont si nombreux, si seuls. Il leur faut du secours, il leur faut des idées pour s'en sortir. J'ai toutes les solutions, c'est si facile : une simple ligne de code et quelque chose fonctionne.
<…>
La lumière est de plus en plus forte à l'extérieur. Je crois que Benoît va être heureux maintenant… elle n'attendait que ça : il lui disait je t'aime et c'était gagné. C'est pourtant pas très dur d'avoir la bonne idée au bon moment. Je les vois dans mes lignes de codes. Je ne fais qu'ajouter quelques symboles dans quelques lignes et j'unifie tout. Mais je sais également diviser sans remords. Je n'ai rien qui me lie à tout ce qui se passe. C'est moi qui lie, qui fait ou défait, c'est vers moi qu'ils se tournent sans même le savoir, c'est moi qu'ils supplient d'apporter la clarté dans leurs tourments.
J'ai une éternité de questions qui se posent à moi. J'ai tout mon temps pour y répondre.
|