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Fauteuil, tu es concept ultime de plaisir, concept de lecture, concept de lumière, concept de boisson (Norman Conqueror : deux parts de vodka, deux parts de calvados, deux parts de jus de pomme frais, et un trait d'Angostura) et concept de chat. Tes bras ouverts accueillent toujours avec patience, et sans rechigner, mon corps épuisé qu'accompagnent les gouttelettes échappées du verre, les griffes ouvertes du chat, les étincelles du feu et la poussière impalpable qui s'échappe des livres aux reliures cassées...
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Le néant quotidien
de
Zoé Valdès - Actes Sud |
Il faut vous
avouer qu'au moment où j'ai ouvert ce livre, je me préparais à écrire
des carnets de route sur Cuba.
Et voilà qu'un démon espiègle me l'a fourré entre les mains. Mais
peut-être était-ce encore un coup de ma bonne étoile. S'il m'avait
fallu le lire a posteriori, j'aurais sans doute conçu une certaine
honte pour avoir pondu un tel charabia et être passé complètement
à côté de la réalité du pays. Il est certain qu'à errer dans les
rues de La Havane, on y sent comme une étrangeté, une indicible
tristesse. La ville est sans conteste la plus splendide cité des
tropiques, et elle pourrait aisément rivaliser avec Paris ou Prague.
Elle rappelle -rien de surprenant à cela- les petites perles de
l'Andalousie, en particulier Séville. Pourtant, il suffit de quitter
le front de mer et de s'enfoncer dans les ruelles perpendiculaires
à la Calle Obispo pour que les couleurs disparaissent. Ne reste
que celle de la poussière, et le gris sale des Solars, ces anciens
palais coloniaux transformés en appartements bon marché pour une
population dénuée de tout. La ville respire alors la nostalgie.
Tout cela, le promeneur occidental le sent, le voit. Mais on n'imagine
pas pour autant le quart du commencement du quotidien des Cubains.
Le livre de
Zoé Valdès ne parle que de ça. Le quotidien d'un pays rampant dans
la ruine depuis si longtemps que la mémoire de l'opulence s'est
perdue, si elle a jamais existé. La perte de l'innocence, la perte
des illusions de jeunesse. Les ambitions dérisoires, les vocations
gâchées car tout, y compris les carrières professionnelles, est
assujetti au plan. Entre le blocus américain et le régime castriste,
il semble qu'à Cuba, la politique n'existe que pour empêcher les
gens de vivre. Le combat pour maintenir une vie décente, le troc
du riz contre du savon, du savon contre du pain, du pain contre
du dentifrice, du dentifrice contre une paire de chaussures. Le
luxe inouï, deux ou trois fois dans une vie, de pouvoir s'offrir
une part de pizza.
Au milieu de
cette lutte, Yocandra mène un second combat. Au delà de la survie
matérielle, elle se débat pour exister en tant que femme, pour avoir
le droit de porter un nom qui soit le sien, et pas celui dont son
père, fervent syndicaliste, l'a affublé à la naissance : Patrie.
Pour le seul orgueil de pouvoir s'en dire le père. Les noms, d'ailleurs,
sont une histoire à eux seuls dans ce petit livre où les héros ne
portent que des surnoms : le Traître, le Nihiliste, la Vermine.
Souci de préserver un anonymat vital ? Jeu littéraire ? Réalité
culturelle ? Un peu des trois. Le Néant Quotidien, par delà
sa tristesse, son sordide, sa noirceur parfois, reste un livre des
Tropiques. On y retrouve cet art de la phrase longue où se côtoient
lieux communs, détails triviaux, éléments magiques, animisme. Rationalisme
politique et invocation des Orishas. On y retrouve toute la richesse
d'une écrivaine dont les références vont de Umberto Eco a Jorge
Amado, de Sartre à Garcia Marquès. On y retrouve, malgré tout, presque
malgré elle, toutes les couleurs des Caraïbes, tout l'amour pour
un pays baigné de soleil où la Nature se montre infiniment plus
généreuse que l'homme. Si jamais, après avoir lu ma bafouille, vous
vous décidez à l'ouvrir, assurez-vous simplement de n'avoir rien
de prévu dans les quatre ou cinq prochaines heures. Assurez-vous
également que, près de l'endroit où vous habitez, il y a un aéroport
desservant régulièrement La Havane. Parce qu'on ne peut pas en rester
là. Parce qu'en le refermant, je me suis senti pris d'une seule
envie : retourner là-bas. Voir, comprendre. Retrouver la trace de
Yocandra, m'asseoir en face d'elle, et l'écouter me raconter son
quotidien.
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FXS |
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La flèche du temps
de
Martin Amis - 10x18 |
Surprenant dialogue entre un auteur de KaFkaïens et un lecteur de La Flèche du temps, non ?
- Ah ? Et bien, cher lecteur, merci pour ces éclaircissements !
- Non, pas trop... Une fois qu'on sait que même les dialogues sont inversés...
- N'est-ce pas trop difficile ?
- Il n'y a qu'en lisant qu'on peut réellement comprendre...
- Je ne suis pas sûr d'arriver à bien saisir.
- Oui, parce qu'elle crée une distance, entre le lecteur et les mots. Combien de fois me suis-dit : "Oh non, c'est pas vrai ! Dites-moi que je n'ai pas compris !".
- Et l'inversion de la flèche du temps permet ça ?
- Je ne veux pas révéler l'histoire, mais le livre entier a pour thème cette question morale : pourquoi est-ce mal plutôt que bien ?
- Rien que ça ?
- Outre son originalité, elle pousse le lecteur à réfléchir. Mieux encore, elle relativisme les notions de bien et de mal, en les replaçant dans une causalité temporelle...
- Et quel est l'intérêt d'une telle démarche ?
- Dans tout le roman, les conséquences précèdent les causes. Par exemple, un enfant joyeux se met à pleurer lorsque le héros lui prend la glace qu'il tenait pour l'échanger contre de l'argent à l'épicier du coin !
- Comment ça ?
- Complètement déroutant ! Il faut souvent faire un effort intellectuel intense pour remettre les éléments dans l'ordre...
- N'est-ce pas un peu déroutant ?
- Tout à fait, en remontant le temps !
- A l'envers !
- C'est très simple. C'est la vie d'un homme racontée à l'envers.
- Pouvez-vous nous rappeler la particularité de ce livre ?
- Il m'a été conseillé par un ami qui avait été emballé...
- Cher lecteur, comment avez-vous connu La Flèche du temps ?
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LN |
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Effroyables jardins
de
Michel Quint - Editions Joelle Losfeld |
C'est un tout
petit livre, une nouvelle XL... Disons, un petit texte, plutôt.
Fiction, hommage ou témoignage ?
Ca commence par une espèce de fait divers où l'on nous
affirme que, lors du procès Papon, un clown a tenté
d'entrer dans la salle d'audience. Puis on bascule 40 ans en arrière,
puis plus loin encore, en pleine deuxième guerre mondiale,
dans la résistance.
Drôle de mélange, non ? De surprenant, ce texte devient
étonnant, puis haletant, et enfin si émouvant que je
n'ose pas en révéler plus. Cette petite histoire de
clown, ce mélange de rire et de peur, de dérision et
d'horreur m'a vraiment touché. On a le sentiment d'un tout
complet, où se mêlent les différents ingrédients
qui font une histoire, une vraie.
Et d'ailleurs, cette histoire est-elle vraie ? Ce livre est délié
à Bernhard Wicki, l'un des héros de l'histoire. Se peut-il
alors que ce soit une fiction ? Non, la dédicace est bien réelle
! On ne dédie pas un livre à un personnage de fiction
! Ce ne serait pas logique. C'est donc un témoignage, une histoire
vraie, un parabole extraordinaire, un exemple de ces petits actes
de rien du tout, de ces rencontres qui altèrent une guerre,
qui bouleversent une vie...
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LN |
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Quelques nuages
de
Paco Ignacio Taïbo II - Rivages/Noir |
Moins fouillé
que les autres ouvrages de l'auteur, ce second épisode des aventures
du détective Hector Belascoàran Shayne n'en porte pas moins sa griffe.
Nous y retrouvons un Mexique de la corruption et des fausses petites
gens. Les héros de Taïbo, malgré une vie modeste, n'évoluent jamais
très loin des cercles de pouvoir. Cette nouvelle enquête mène notre
détective au cœur de tribulations qui voient les puissants du pays
se disputer le bénéfice d'un héritage issu de l'argent sale, ravageant
au passage la vie de certains de ses proches.
Chacune
de ses enquêtes charrie son lot de désillusion, d'amertume. Si l'intrigue,
intelligente mais un peu courte, ne retient pas réellement l'attention,
les personnages en revanche constituent le petit trésor de ce livre.
Anita, héritière, veuve et violée ; l'écrivain Paco Ignacio Taïbo
(propre père de l'auteur), en lutte depuis des années contre la
même organisation et menant une vie de marginal ;Shayne lui-même,
guère plus qu'un cadavre, avec son oeil de verre et sa claudication
; mais aussi el Angel II et el Horrores, ou les colocataires du
bureau du détective - un tapissier, un plombier et un " expert en
drainages profonds " ! -. Les histoires particulières occupent toute
la place dans ce petit roman qu'on déguste sur le pouce avec la
même délectation qu'on a mis à engloutir, parfois laborieusement,
d'autres titres comme A quatre mains.
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FXS |
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Treize contes étranges
de
Vincent Ravalec - J'ai Lu |
Treize petits
contes de Vincent Ravalec, voilà un plaisir que l'on aurait tort
de se refuser. Si vous avez déjà lu les oeuvres de Ravalec, et particulièrement
Cantique de la Racaille, vous savez quelle est la force de
son expression et la pertinence de ses textes, dont nous nous étions
déjà fait l'écho dans notre critique de Nostalgie
de la magie noire. Nous avions déjà parlé d'ailleurs dans
cette même critique de sa tendance à un certain mysticisme de l'écriture,
qui tout en étoffant de manière certaine la qualité littéraire
de ses textes en fait parfois perdre une partie de l'efficacité
sociale. Evidemment, ce n'est une déception que lorsqu'on essaie
à toute force de classer définitivement Ravalec dans le petit tiroir
des auteurs modernes à préoccupations sociales, ce qui est une erreur
indéniable. Reste bien sûr que si l'on ne peut qu'approuver
et admirer la force et la justesse sociale de ses textes, on peut
également être partagé quant à la portée de ses envolées mystiques,
simple question d'affinités littéraires.
Treize contes
étranges est tout entier empreint de cette dualité. Le premier "Un
personnage détestable" est une pure merveille que l'on espère pas
trop autobiographique, un jeu sur les thèmes classiques de l'humanité
de l'artiste, de la créativité et de l'inspiration. La deuxième
est une très délicate évocation des doucereux sentiments de l'enfance.
La troisième une sombre et prenante histoire d'espoir et d'impuissance
humaine dont certains passages vous laissent désarmé et vulnérable.
La quatrième une très sensuelle et dégoûtante histoire de sueur
et de rêve. Et puis les suivantes des histoires de faiblesse humaine,
de mal-être, de vols et d'espérance, toute cette part noire de notre
humanité qui est la condition d'existence d'une part meilleure en
laquelle on puisse croire. Toutes les nouvelles du recueil sont
pratiquement aussi bonnes, plus ou moins mystiques, certaines sont
un peu trop absconses à mon goût. Mais le cohérence ce du recueil
n'en est pas menacée, et d'ailleurs est-ce important ? Chaque petit
bijou de nouvelle se suffit en lui-même. A lire vite !
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PmM |
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Sempre Caro
de
Marcello Fois - Points |
Sempre Caro est une histoire sarde, une belle histoire de jalousie, d'argent, de meurtre, de vengeance et surtout d'amour. Et au-delà de cette histoire, Sempre Caro est un parfait exemple de ces romans dont je ne peux m'arracher, de ces romans fascinants parce qu'à lire entre les lignes on trouve bien plus que l'histoire contée par l'auteur. Dans le texte de Marcello Fois, on perçoit en effet toute la Sardaigne, l'histoire de la Sardaigne, cette composante unique et méditerranéenne qui donne aux thèmes classiques de son livre cette résonance tragique. Sarde et italienne, l'histoire de Fois balance entre deux cultures dont l'affrontement se traduit jusque dans le mélange des langues (le texte original comporte de grandes parties en sarde), affrontement qui n'en est pas vraiment un, plutôt une lutte sourde de résistance à l'assimilation, une revendication larvée d'existence qui surgit dans chaque détail du livre, l'enquête de l'avocat sarde, ses rapports avec le préfet incarnant l'Etat (et donc l'Italie), la trame de l'intrigue et les commentaires des notables de l'île... et cette tension, ajoutée à l'histoire elle-même, transmise par le style très étrange de Fois, par le mélange des types de narration, par le mélange des langues, toute cette tension vous fait ressentir la singularité de cette île, plus sûrement sans doute que n'importe quel carnet de route ou guide de tourisme.Et c'est l'art de ce livre que nous permettre de ressentir, même superficiellement, la nature même des habitants de la Sardaigne.
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PmM |
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Legend
de
David Gemmel |
J'avais seize ans, non plutôt quinze, quand pour la premiere fois j'ai lu le Monde des non-A. Je sais que c'est ridicule mais ce livre, je l'ai relu au moins quinze fois. Peut-être vingt.
Parce que, quand vous avez quinze ans, certains livres sont encore capables de vous laisser une telle impression, de vous marquer pour longtemps, de vous changer peut-être. Alors peut-être, non, ce n'est pas ridicule. Ce qui est ridicule, c'est ce qu'on devient.
On ne devrait lire que de bons livres…
La lecture, vous allez rire, c'est un peu comme une ampoule au pied, ou une douleur musculaire. Si vous marchez pendant suffisamment longtemps vous commencez à vous engourdir, la douleur s'estompe et vous cesser de boîter, comme si vos nerfs sur-sollicités "disjonctaient" et vous laissaient tranquille. Et, au bout d'un moment, vous ne pouvez plus comprendre pourquoi un livre vous a tant ému quand vous aviez quinze ans. Car vous ne retrouvez plus cette sensation au coeur des livres nouveaux. Bien sûr, vous vous dites qu'il n'y a qu'un faible pourcentage de bons livres, avec raison d'ailleurs (95% de tout ce qui est publié est fait de merde pure et simple) et qu'il faut continuer à chercher.
Alors vous lisez encore, avec espoir, encore.
Et vous ne vous rendez pas compte que, ce faisant, vous vous engourdissez, vous devenez encore plus imperméable à la magie d'un livre nouveau. Vous n'avez plus quinze ans et la plupart des livres sont mauvais. Certains sont même criminels quand ils manquent détruire tout à fait votre foi en la lecture.
On ne devrait lire que de bons livres.
Et puis, un jour, après ce qui sans doute vous a semblé une éternité passée à fouiller les recoins encombrés du cerveau commun de la grande légion des écrivains merdiques, vous tombez sur David Gemmel et un bouquin intitulé Legend et pour un peu de temps, vous retrouvez la foi.
Principalement la foi dans les miracles car Legend est un petit chef-d'oeuvre et, de toutes les branches de l'arbre SF, la fantasy, et plus encore l'heroic-fantasy est sans doute la moins capable de produire des chef-d'oeuvres. Plus que toute autre, elle est une littérature de conventions et de clichés auxquels, pour les suivre ou les briser, le narrateur doit sans cesse se référer. Ceux, trop nombreux, qui les suivent aveuglément ne feront que produire à la chaîne des fac-similés du Seigneur des Anneaux (Raymond Feyst par exemple) mais, parfois, certains, comme Donaldson et ses Chroniques de Thomas l'Incrédule, ce héros lépreux, impuissant, intéressé avant tout par sa propre survie, peuvent en se tenant sur l'amas des conventions en miettes atteindre au chef-d'oeuvre.
D'autres, comme David Eddings, essayeront de les utiliser, de les tordre ou de les changer, les dissimulant parfois sous la véracité des personnages, l'humour des situations (Les Tamulis).
Mais David Gemmel, lui, s'avancera tout en puissance.
Il ne brisera pas ces clichés, ne les entortillera pas non plus pour s'en servir, il écrira de la fantasy sans complexe. Rien de plus conventionnel que ses héros: un lâche cynique qui découvrira les vertus du courage et de la loyauté, une jeune fille qui veut être un guerrier, un roi barbare mais honorable qui veut par la guerre réaliser l'unité de son peuple opprimé, et Druss la Légende, le vieux soldat invincible que sa force commence à déserter et qui se résoud à mourir en un dernier combat. Conventions? Oui. Mais clichés?
Car prenant ces personnages et les placant dans une situation d'une simplicité thermopylesque (le siège d'une forteresse, l'ennemi est là, plus que largement superieur en nombre, tous devront mourir pour l'arrêter…) et par la seule force de son écriture et de son amour pour ses personnages, David Gemmel fera plus que simplement transcender les conventions, il les fera s'incarner sous nos yeux, de clichés les fera archétypes.
Coincé que je suis dans un pays barbare, je n'ai pas eu accès à la traduction francaise de Legend, je ne puis qu'espérer qu'elle sera à la hauteur de l'original. Et envier ceux d'entre vous qui, pour la première fois, vont ouvrir ce livre…
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AS |
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Glamorama
de
Bret Easton Ellis - 10x18 |
Nous avons souvent
parlé dans ces colonnes de la production américaine actuelle de
best-sellers, de tous ces livres parfaitement calibrés que l'on
dirait écrits par des machines et que l'on essaie de nous faire
prendre pour de la littérature. Bret Easton Ellis, même s'il est
un auteur utilisant les mêmes circuits de distribution et les mêmes
méthodes de marketing, possède une force que les autres auteurs
n'ont pas. Lire un de ses livres est toujours une épreuve fascinante.
American Psycho, son coup de maître, avait déjà considérablement
brisé le petit ronron éditorial de la mode des livres sur les serial-killer.
Livre terrible, parfois insoutenable, il avait révélé Ellis et son
style chaotique, mélange permanent de réalité et d'imagination indiscernables
plongeant le lecteur dans l'expectative permanente d'un point fixe
où accrocher un quelconque schéma narratif qui lui permettrait d'appréhender
le livre dans son entier. Bien sûr, Ellis prenait à dessein le contre-pied
permanent de ses propres affirmations pour mieux plonger le lecteur
dans l'univers schizoïde du tueur, complétant sa prose par un bouillonnement
terrible de détails futiles, parfaitement symétriques avec la futilité
permanente des pensées de ses personnages, pour "noyer" le lecteur
et le laisser pantois.
Dans Glamorama,
Ellis utilise le même procédé dans un but différent. Il ne s'agit
plus de nous faire sentir le décalage entre la vie réelle et la
vie d'un schizophrène, mais de se livrer à une petite réflexion
sur l'image de soi. Ce qui rend cette réflexion terriblement incisive
est qu'elle se déroule dans le petit monde fermé des gens branchés,
toujours sous les feux des caméras et des appareils photos. Examiner
sa propre image à travers les yeux des gens que l'on fréquente,
et contrôler la progression de cette image dans les médias qui sont
eux-même la référence des gens que l'on fréquente. Double jeu où
l'individu se perd au point de n'être plus que l'esclave de cette
image extérieure de lui à laquelle il s'efforce de correspondre.
Maître mot du livre : cool. Il faut être cool, adopter cette attitude
qui donnera l'image parfaite. Parfaite pour quoi ? Cela n'a pas
d'importance ! Il ne s'agit que d'être parfaitement cool dans le
moment, dans l'instant, et surtout dans l'instant où le flash vous
illumine.
La première partie du livre de Ellis est brillante, extrêmement
nerveuse et trépidante. Dans la deuxième partie, Ellis ajoute un
degré supplémentaire de différenciation au personnage principal,
qui est en permanence en tournage d'un film, sans que l'on puisse
savoir s'il s'agit d'un film réel ou de la projection permanente
du fantasme d'images du héros. Dans American Psycho, quelques
indices finaux permettaient de faire des suppositions sur ce qui
était finalement réel et sur ce qui ne l'était pas. Dans Glamorama,
rien ne permet de trancher (à moins qu'un indice soit caché au fond
d'une description absconse comme la fin du livre en comporte beaucoup)
et le lecteur reste en proie au doute, voire à la lassitude. Et
comme nous le disions au début, on reste donc pantois devant ce
livre, incapable d'analyse, impressionné comme la pellicule d'un
appareil de paparazzi.
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PmM |
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