|
|
|
  |
19 mars 2003 |
|
Il faisait chaud,
nous avions déjà beaucoup travaillé. Je prépare
deux verres de jus d'orange et j'en tends un à la femme de
ménage. Elle hésite longuement, elle me sonde du regard,
elle le prend, me sourit. J'ai du mal à me remettre de ce
sourire.
|
|
|
|
  |
24 mars 2003 |
|
Au printemps,
les aigles volent plus bas, ils se rapprochent de la terre. Journée
étrangement lumineuse sous un ciel couvert. Les restaurants
et bars de Stanley viennent de changer leurs programmes. Derrière
le tintement des couverts, le bourdonnement des avions de chasse,
le ressac de la mer.
|
|
|
|
  |
25 mars 2003 |
|
Vu le Pianiste
dans un cinéma de Causeway Bay. La salle est pleine. Pour
la première fois depuis un an, pas un portable ne sonne pendant
le film. A la fin, plusieurs spectateurs restent enfoncés
dans leur fauteuil. Pour écouter jusqu'au bout la sonate
de piano ? C'est la première fois que je vois de jeunes chinois
dans cette posture : apaisés, silencieux, ils semblent rêver
Des Européens qui s'exterminent entre eux. Un décor
de ruines et de neige, une invasion de couleurs mortes, avec une
ampleur dans les nuances de gris inconnue jusqu'ici. Une sensation
de faim dévorante et au bout de cette faim, seulement un
morceau de pain, cette nourriture impossible. Les accents gutturaux
de l'allemand, la douceur des notes de Chopin. La même douceur
imprègne les meubles, les vêtements, le maintien de
ces hommes cravatés, de ces femmes en chapeau, cette touche
d'élégance particulière au vieux continent
que les élites chinoises tentent de copier avec exactitude
depuis des décennies, et que possèdent au dernier
degré ces familles qu'on écrase comme des parasites.
|
|
|
|
  |
26 mars 2003 |
|
Les deux poumons
de la ville : Central, le quartier des affaires et Kowloon, les
quartiers populaires. Selon qu'on se trouve du côté
de l'île ou du continent, on voit le ciel ou on ne le voit
pas. A Central, du béton, du verre, du marbre, des fontaines.
A Kowloon, du linge et des plantes qui débordent des balcons
rouillés, immeubles bas, étals ouverts à tous
les vents. Du béton aussi, mais friable, souillé,
mangé jusqu'à l'ossature. Ca sent la sueur, la friture,
les fruits fermentés, la viande. Ca sent la terre. Au Cross-Harbour
Tunnel (seul moyen de passage possible entre les deux rives, avec
le Star Ferry), c'est toujours l'embouteillage. Selon l'heure où
l'on passe, le soleil joue sur les parois de verre ou la lune y
coule un sillage glacé. Ville noire semée d'éclats
jaunes ou blancs, ville d'écailles.
|
|
|
|
PVK |
|