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A Monsieur le Directeur du Domaine des Sauvegardes

Rapport sur l'éradication des animalcules carbonés des planétoïdes de stockage

Comité de réflexion // 405 siliante T.U.
GB-SAUV-PLAN 807 // Domaine Sauvegardes // Gestion des planétoïdes
Par GII-Znal Ab-Celentis Ab-Vremiens, secrétaire du comité de réflexion

 
Maître,
Nous avons déjà eu l'occasion d'attirer votre attention sur l'altération des données sauvegardées sur les planétoïdes causée par les animalcules carbonés foisonnant en surface (§1). Nous préconisons une action radicale et définitive sur tous les sites infectés afin de préserver nos banques de données d'un risque de défaut de redondance. Cette action peut être réalisée par plusieurs moyens techniques (§2). Par ailleurs, et pour répondre aux objections philosophiques formulées par les différents comités d'éthique, nous avons chiffré les potentialités de dégât dans les données (§3).
Nous soumettons ces résultats à votre sagacité, pour la préservation de la Bibliothèque.
Cordialement,
GII-Znal
 
 

§1 : Rappels sur l'altération des données
Les planétoïdes de stockage sélectionnés sont tous issus d'une formation planétaire par accrétion, ce qui limite les types d'étoiles centrales à des températures et masses bien déterminées. Cette condition primordiale permet le développement d'un cycle eau-carbone dont le résultat -sur des périodes relativement courtes- est la constitution des réserves d'hydrocarbures dont nous avons fait le support privilégié de nos sauvegardes d'informations. Cette ressource naturelle ne peut donc exister sans le cycle eau-carbone présent à la surface des planétoïdes ; mais ce cycle ne sert plus rien quand un réserve suffisante d'hydrocarbures est constituée.
Les réserves d'hydrocarbures sont inégalement réparties dans le planétoïde ; elles ne sont jamais présentes en dessous d'une profondeur limite, mais elles peuvent affleurer à la surface. Les formations naturelles que nous appelons bulbes ont une topologie dépendant des caractéristiques minérales du terrain ; les bulbes sont par exemple assez souvent protégés par des coquilles salines formés par la sédimentation issue du cycle eau-carbone. Le phénomène est complexe, mais finalement assez répandu.
Une des conséquences de la poursuite du cycle eau-carbone en surface est l'apparition d'animalcules (ceux là même qui sont à la source de la création des hydrocarbures) dont certaines formes attaquent les réserves pour alimenter leurs besoins en énergie. Pour faire une comparaison un peu tirée par la fourrure, les animalcules sont comparables à ces virus siliceux qui utilisent la résonance de nos structures cristallines internes pour se macler et envahir nos organismes. La comparaison s'arrêtant à la vie, bien sûr… nous savons que le cycle eau-carbone ne peut engendrer de vie tant les propriétés oxydantes de l'eau sont élevées.
Cette pourriture carbonée pénètre les réserves les plus proches de la surface : il ne s'agit pas d'un processus de sélection, mais d'un processus naturel qui agit au point de travail le moins élevé. Les informations détruites lors de ces prélèvements sont donc totalement aléatoires, puisque nos méthodes de stockage par résonance ne sont pas liées à un positionnement topographique de l'information dans le support.
La pourriture carbonée ne s'attaque pas systématiquement aux réserves d'hydrocarbures ; il semble qu'un seuil de complexité des animalcules dusse être atteint. Mais les symptômes de l'attaque sont clairement établis : augmentation très rapide du taux moyen d'oxyde double de carbone dans la frange gazeuse de la surface, taux de radiation infrarouge global en augmentation nette. Les capteurs satellites de surveillance surveillent ces deux paramètres pour tous les planétoïdes.

§2 : Actions correctives
Les techniciens spécialisés consultés ont proposé plusieurs techniques susceptibles de nous aider à supprimer les animalcules carbonés.
Deux options principales s'offrent à nous : l'utilisation de moyens chimiques ou l'emploi de rayonnements électromagnétiques. Dans les deux cas, les difficultés principales sont liées au problème d'échelle plutôt qu'au facteur de résistance (les cycles carbone-eau sont des cycles extrêmement fragiles).

L'action chimique brutale est de ce fait probablement à exclure ; par exemple l'utilisation d'inhibiteur du cycle (radicaux libres agressifs type dioxine ou cyanates) se heurte à la quantité d'agent chimique à mettre en œuvre (même avec une concentration par décavarile de surface relativement faible, la surface des planétoïdes est trop grande). L'action chimique entretenue est plus efficace quoique plus longue à aboutir : si nous introduisons des amorceurs de réaction comme les oxydants chlorés, la dégradation du cycle s'entretient d'elle même en produisant ses propres produits oxydants, mais la durée totale de la réaction peut ne pas être totalement satisfaisante en terme de préservation des données. Plus grave, la réaction peut endommager la réserve de données elle-même aux points d'affleurement de surface. Une solution passablement élégante serait de s'attaquer à l'élément eau (hydrate double d'oxygène) pour briser le cycle eau-carbone sans toucher au carbone, par exemple en utilisant un élément chimique ionisant empêchant les molécules d'eau de conserver leurs propriétés d'interaction avec le carbone. La masse d'eau à traiter est malheureusement parfois très importante.

L'action électromagnétique est nettement plus rapide et efficace, mais elle nécessite des moyens importants. Les ondes seront de courte longueur pour désorganiser le cycle en surface sans pénétrer dans la profondeur du planétoïde et toucher les réserves mémorielles. La puissance nécessaire est assez élevée. Une solution simple consisterait à équiper le réseau satellite de surveillance de canons à micro-ondes ; la surface d'un planétoïde moyen peut-être balayée en quelques centospirules seulement, mais l'alimentation électrique d'origine stellaire des satellites doit être remplacée par une source interne (réacteur de fusion hydrogène), ce qui complique la maintenance. Pour éviter ce déploiement, on pourrait également avoir recours aux miroirs stellaires de grande envergure utilisés lors de la terraformation des planètes gazeuses du nuage d'Oort : ces miroirs renvoient et concentrent les radiations cosmiques de l'étoile principale du planétoïde. L'inconvénient principal, outre le délai d'acheminement, est constitué par les ondes longues cosmiques susceptibles de perturber la réserve mémorielle.

§3 : Dommages potentiels
La redondance des informations sauvegardées dépend de trois paramètres : la duplication sur les planétoïdes, la distribution aléatoire complète dans le substrat organique et les amorces de contrôle.

La duplication sur les planétoïdes devrait suffire à nous protéger des attaques de la pourriture carbonée. Mais l'on constate que l'apparition et de le développement de cette pourriture sont rapide et quasiment systématique. A la date du 404 Siliante TU, 5% des planétoïdes étaient gravement touchés, mais plus de la moitié montraient les signes d'une attaque. La masse moyenne d'information détruite varie entre 5% et 10%, ce qui est peu ; mais cette moyenne masque la répartition des attaques et surtout la rapidité de propagation, qui n'interdit pas d'imaginer un scénario dans lequel une information sera détruite sur tout les planétoïdes à la fois. En effet, la courbe de répartition des attaques carbonées montre que si l'on pondère la moyenne des informations détruites par l'accélération de l'attaque sur chaque planétoïde, on obtient une configuration où la probabilité de destruction d'une information particulière sur tout les systèmes dépasse 30% . C'est beaucoup plus que ne peut en accepter notre système de redondance.

Ce qui complique les choses et aggrave les conséquences vient paradoxalement de nos propres choix. Le système de la distribution aléatoire complète dans le substrat organique a été choisie parce qu'il permet de préserver l'intégralité des données si une partie consécutive -même importante- est détruite. Par ce système, on prévient tout risque de destruction, sans aucun risque d'erreur, au cour d'une fausse manipulation quelconque pendant le transfert, la consultation ou la mise à jour des données. C'est à dire que l'on se prémunit des risques inhérents à la manipulation intelligente des données ; avec le système de redondance, nous pensions nous prémunir des manipulations aléatoires. Il n'en est rien. La pourriture carbonée opère des prélèvements aléatoires du substrat par la nature elle-même aléatoire de son activité ; points de prélèvement, quantité prélevée, choix des bulbes, tout cela est fait dans la plus grande anarchie. Et le risque de voir disparaître des pans complets d'information ne peut plus être écarté, comme l'a montré l'incident de Gnu/Kart III - P4, point de départ de cette affaire.

Si la pourriture carbonée finit par atteindre les amorces de contrôle des mémoires de manière simultanée, la réserve entière devient inopérante. La probabilité est faible dans le cas normal (environ 1 picosimule), mais les calculateurs ont montré qu'à cause du caractère aléatoire des attaques de la pourriture carbonée, le probabilité pouvait monter à 25 millisimules. Cela n'est pas acceptable ni par nous, ni par les fondateurs, ni par les lecteurs.

 
PmM
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