Les phénomènes dits d'erosion informative :
disparition des données stockées sur molécules
carbonées complexes telles qu'utilisées par la Grande
Bibliothèque. Pour servir de conseil au Gouvernement.
Par Gink
Azoul, conseillé de 3ème classe auprès
de la Grande Bibliothèque, sexe septième (présentation
de l'Ovoide), non actif.
Votre Eminence,
Beaucoup a été
dit récemment, et hélas bien peu qui fasse sens, au
sujet de nos méthodes de stockage de données, notamment
de stockage a long terme sur carbo-molécules. Devant les
erreurs flagrantes ou les tentatives de désinformation manifestes
qui sont passées devant nos yeux depuis quelques temps, il
nous a parut nécessaire de rappeler quelques faits avant
que de rendre public les conclusions de nos recherches.
Il y a plus
de deux révolutions galactiques que la race primaire du Savoy
s'est trouvée face au probleme de stockage des données
scientifiques, historiques et cartographiques recueillies au cours
de sa constante quête de connaissance. La solution retenue
à l'époque par vos prédécesseurs nous
a servi depuis lors et fait l'objet de cette toute récente
dispute. Peut-être convient-il de rappeler les raisons qui
justifiaient alors son adoption:
1 - La création de masse de liquide noir de type hydrocarbure
est une occurence naturelle fréquente sur les planètes
de type S-7. Les hydrocarbures se prètent remarquablement
bien à nos techniques d'encodage: le materiau brut ne manquera
donc pas.
2 - Il est relativement facile techniquement - et donc peu onéreux
- d'extraire ces hydrocarbures sous leur forme liquide puis de les
coder à notre convenance avant de les ré-injecter
dans leur substrat d'origine.
3 - Les procédés de "resonnance crystaline simultanée"
font qu'il est facile de lire ces données à travers
de très grandes distances.
4 - Les planètes ou ce "pétrole" se forme
ainsi spontanement connaissent sans exception un cycle biologique
court, basé sur l'atome carbone, et sont donc peu susceptibles
de génerer jamais une conscience silicate comparable à
la nôtre.
La réalisation
de ce projet a plus ou moins suivi les grandes lignes mises en place
durant la phase de conception. Depuis lors nous avons disposé
d'un système de stockage de données superieur de beaucoup
à tout ce qui se faisait auparavant. Il ne fait en fait pas
de doute que sans les 1800 bases de stockage planétaire qui
desormais constituent notre matrice, nous ne pourrions soutenir
notre rythme d'expansion actuel. Certaines projections semblent
même indiquer qu'il nous serait sans doute nécessaire
de réduire la taille de l'Empire de Savoy pendant une periode
non négligeable (pouvant aller jusqu'a une demi-année
galactique!) avant qu'un autre système ne puisse être
mis en place.
Ilyan Gluck nous avait prévenu : la perfection est le but
ultime de la race primaire de Savoy: elle ne se rencontrera à
aucun moment au cours des phases intermédiaires de son évolution.
Ainsi 1.3% des planètes retenues pour la Grande Bibliothèque
ont à ce jour été l'objet d'une diversité
de phénomènes que nos savants ont regroupés
sous le nom d'érosion informative. Dans la plupart des cas
il s'agit d'une interferance se développant entre nos gisements
pétrolifères et le cycle de vie court à base
de carbone qui a souvent lieu à la surface de ces mondes.
Dans la plupart des cas, nos réserves de données gisent
à de grandes profondeurs, hors d'atteinte de ces formes de
vie primitives mais il est hélas parfois nécessaire
d'utiliser une planète se situant dans la partie "basse"
du graphe de qualification; les risques d'accidents sont alors plus
nombreux. Dans les 200 cas rencontrés à ce jour, une
équipe d'entretien de la Grande Bibliothèque a été
dépéchée sur place pour une opération
de nettoyage. Nous utilisons pour cela un procédé
dérivé de la technologie de nos appareils de télécommunication.
Une forme particulire de résonnance crystaline génerée
par un satellite en orbite basse provoque une dégradation
irrémédiable des molécules complexes à
base de carbone à la surface de la planète en question.
Les gisements de pétrole sont quand à eux protégés
par les epaisseurs de roches sous lesquelles ils sont enfouis. Le
procédé est simple et peu couteux, et surtout garantit
à 100% la possibilité d'une ré-occurence des
troubles. La seule raison pour laquelle il n'est pas utilisé
de facon préemptive sur toutes nos planètes de stockage
est que nous ne désirons pas ainsi intervenir indûment
dans les cycles vitaux de celles-ci, quelque court et primitif qu'ils
soient.
Cela n'a pas
empéché pourtant certains de nos opposants de nous
accuser d'insensibilité en la matière, il nous a donc
parut important de répondre publiquement aux tentatives de
désinformation employées par certains groupuscules.
Il est ainsi vital de rappeler certains faits, que nous qualifierions
d'évidents s'ils n'étaient continuellement remis en
question par ces organismes propagandistes:
Les planètes retenues pour abriter nos centres de données
font l'objet d'examens extremement poussés à la recherche
de formes de vie silicates, premierement au moment de la mise en
place du projet mais aussi de facon routinière et régulière
après cela et bien évidemment avant toute stérilisation.
Le fait qu'aucune planète de type S-7 n'ait jamais à
notre connaissance abrité un tel organisme ne nous empèche
pas de continuer.
Le cycle de vie des organismes habituellement rencontrés
sur ces planètes est ridiculement court. Dans de nombreux
cas, ce cycle (passant du stade dit de "la soupe primitive"
à celui de "l'extinction spontanée totale"
est inferieur en durée à l'existence d'un Savoyen
primaire moyen! Penser qu'une forme de conscience puisse émerger
dans ces conditions relève de l'imagination la plus débridée.
Il est ainsi peu connu, et les groupuscules auxquels nous avons
déjà fait allusion se gardent bien de la mentioner,
que les hydrocarbures que nous utilisons pour notre Grande Bibliotheque
ne sont pas étrangers à la croute rocheuse des planètes
dans lesquelles nous les injectons. Ils sont eux-même le produit
d'une dégradation d'organismes à base de carbone qui
se sont retrouvés éteints à la fin au cycle
précédent.
Dans tous les cas d'interference étudiés par nos services,
nous avons rencontré les mêmes phénomènes:
réchauffement climatique, dégagement d'importantes
quantités de dioxide de carbone dans l'atmosphère,
réduction de l'efficacité du processus de photosynthèse
(créateur d'oxigène vital pour ce type de créatures).
Ces phénomènes sont la conséquence directe
de l'activité des créatures s'activant à la
surface. Le fait qu'elles se rencontrent sur tous les mondes concernés
est en soi-même une objection majeure à la thèse
de la conscience : après la recherche de la connaissance,
le fait majeur de la vie intelligente est l'imprévisibilité.
Mais ces activites ont aussi un effet négatif souvent extremement
important sur les capacités de survie de ces organismes,
ce qu'aucun être, quelque primitif qu'il soit, n'accepterait.
Votre Eminence,
la Grande Bibliothèque ne constitue pas seulement la principale
base de données de notre race, elle est aussi une part vitale
de notre système de communication à longue distance
qui ne pourrait être remplacé qu'à un coût
extrèmement élevé pour l'Empire. Remettre tout
cela en question à un moment où elle se prépare
à fêter son deuxième anniversaire galactique
par un programme d'expansion sans précédent, et cela
sans aucune autre raison que les théories extremement fantaisistes
de certains liberaux en manque de cause à défendre,
nous apparait pour le moins irresponsable. Certains membres de votre
gouvernement motivés sans doute par un désir de publicité
se sont fait les échos de ces théories, le personnel
de la Grande Bibliothèque, pour sa part, à toute confiance
dans la sagesse de votre jugement en la matière.
Respectueusement,
Gink Azoul
Conseillé de 3ème classe auprès de la Grande
Bibliothèque.
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