Hong Kong Stories Retour à la page précédente Retour au sommaire de KaFkaïens Magazine
 
 
27 mai 2003
 

" Etes-vous d'accord ? " Un des étudiants lève la main et vient au tableau proposer une correction. Un murmure de désapprobation s'élève aussitôt. L'étudiant efface, fébrile. Le professeur réécrit, amusée. Elle ajoute, en désignant la classe : " Que veut dire cela ? Rien. " Nouveau murmure. " Tu es le seul à le dire et peut-être le seul aussi à avoir raison. " Il sourit. Elle sourit aussi. " Mais pas cette fois. " Eclat de rire général, à la fois de bonheur et de soulagement mais comme on dit en escrime, le coup paraît avoir porté.
" Paraît ", car rien n'est jamais dit. Le silence, les regards puis les rires. Autre lieu, autre classe. Reprise du cours sur Victor Hugo. Retour sur la barricade de 1830. Face à ces nouveaux étudiants, l'étude de texte prend encore un tour différent. Sentiments partagés de l'écrivain face à la République, par hantise du retour de la Terreur. Les étudiants chinois découvrent ainsi les deux visages de la Révolution Française : 1789 et 1793. " C'est pourquoi les différents événements qui ont bouleversé la Chine depuis 1910 ont suscité le plus grand intérêt chez les intellectuels français. " Face au professeur, un mur de visages impénétrables mais concentrés.
Ailleurs, autre classe, autre professeur : une dictée de nombres. " 1989 : qu'est-ce que c'est pour vous ? " Remous concentriques dans la classe. " Les événements de la place Tienanmen. " L'élève qui a pris la parole a le regard direct et la voix posée. Pour eux, Tienanmen. Pour l'Europe, la chute du mur de Berlin. On m'a rapporté cette anecdote. Ca m'a fait un choc. Bien sûr, nous connaissons tous cette date. Bien sûr, nous avons lu cette analyse mille fois. Mais il me semble que je réalise pour la première fois : quel est le vrai sens de 1989 ? Le retour du double visage.

 
 
28 mai 2003
 

Tout doucement, ça se différencie : les visages de la foule à Kowloon, à Central. Jusque là, c'était plutôt la mer : ils venaient s'échouer au bord du périmètre visuel comme des vagues (ou bien c'est l'effet du soulagement : peu de gens portent encore des masques). Visages du continent : des masques recouverts d'un cuir épais, âpreté du gain, endurance au travail, résistance aux privations. Visages insulaires, celui des femmes surtout : des faces de porcelaine, inertes, hiératiques. Visages plus pâles ou plus sombres des étrangers. Les uns cuits au soleil, les autres figés au souffle de l'air conditionné. Bien sûr, selon la rive sur laquelle on se trouve, le fleuve de visages n'est pas le même, ici plus clair et là plus limoneux, mais toujours épais, toujours puissant, charriant les corps comme des troncs.

 
 
PVK
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