§1 :
Rappels sur l'altération des données
Les planétoïdes de stockage sélectionnés
sont tous issus d'une formation planétaire par accrétion,
ce qui limite les types d'étoiles centrales à des
températures et masses bien déterminées. Cette
condition primordiale permet le développement d'un cycle
eau-carbone dont le résultat -sur des périodes relativement
courtes- est la constitution des réserves d'hydrocarbures
dont nous avons fait le support privilégié de nos
sauvegardes d'informations. Cette ressource naturelle ne peut donc
exister sans le cycle eau-carbone présent à la surface
des planétoïdes ; mais ce cycle ne sert plus rien quand
un réserve suffisante d'hydrocarbures est constituée.
Les réserves d'hydrocarbures sont inégalement réparties
dans le planétoïde ; elles ne sont jamais présentes
en dessous d'une profondeur limite, mais elles peuvent affleurer
à la surface. Les formations naturelles que nous appelons
bulbes ont une topologie dépendant des caractéristiques
minérales du terrain ; les bulbes sont par exemple assez
souvent protégés par des coquilles salines formés
par la sédimentation issue du cycle eau-carbone. Le phénomène
est complexe, mais finalement assez répandu.
Une des conséquences de la poursuite du cycle eau-carbone
en surface est l'apparition d'animalcules (ceux là même
qui sont à la source de la création des hydrocarbures)
dont certaines formes attaquent les réserves pour alimenter
leurs besoins en énergie. Pour faire une comparaison un peu
tirée par la fourrure, les animalcules sont comparables à
ces virus siliceux qui utilisent la résonance de nos structures
cristallines internes pour se macler et envahir nos organismes.
La comparaison s'arrêtant à la vie, bien sûr
nous savons que le cycle eau-carbone ne peut engendrer de vie tant
les propriétés oxydantes de l'eau sont élevées.
Cette pourriture carbonée pénètre les réserves
les plus proches de la surface : il ne s'agit pas d'un processus
de sélection, mais d'un processus naturel qui agit au point
de travail le moins élevé. Les informations détruites
lors de ces prélèvements sont donc totalement aléatoires,
puisque nos méthodes de stockage par résonance ne
sont pas liées à un positionnement topographique de
l'information dans le support.
La pourriture carbonée ne s'attaque pas systématiquement
aux réserves d'hydrocarbures ; il semble qu'un seuil de complexité
des animalcules dusse être atteint. Mais les symptômes
de l'attaque sont clairement établis : augmentation très
rapide du taux moyen d'oxyde double de carbone dans la frange gazeuse
de la surface, taux de radiation infrarouge global en augmentation
nette. Les capteurs satellites de surveillance surveillent ces deux
paramètres pour tous les planétoïdes.
§2 :
Actions correctives
Les techniciens spécialisés consultés ont proposé
plusieurs techniques susceptibles de nous aider à supprimer
les animalcules carbonés.
Deux options principales s'offrent à nous : l'utilisation
de moyens chimiques ou l'emploi de rayonnements électromagnétiques.
Dans les deux cas, les difficultés principales sont liées
au problème d'échelle plutôt qu'au facteur de
résistance (les cycles carbone-eau sont des cycles extrêmement
fragiles).
L'action chimique
brutale est de ce fait probablement à exclure ; par exemple
l'utilisation d'inhibiteur du cycle (radicaux libres agressifs type
dioxine ou cyanates) se heurte à la quantité d'agent
chimique à mettre en uvre (même avec une concentration
par décavarile de surface relativement faible, la surface
des planétoïdes est trop grande). L'action chimique
entretenue est plus efficace quoique plus longue à aboutir
: si nous introduisons des amorceurs de réaction comme les
oxydants chlorés, la dégradation du cycle s'entretient
d'elle même en produisant ses propres produits oxydants, mais
la durée totale de la réaction peut ne pas être
totalement satisfaisante en terme de préservation des données.
Plus grave, la réaction peut endommager la réserve
de données elle-même aux points d'affleurement de surface.
Une solution passablement élégante serait de s'attaquer
à l'élément eau (hydrate double d'oxygène)
pour briser le cycle eau-carbone sans toucher au carbone, par exemple
en utilisant un élément chimique ionisant empêchant
les molécules d'eau de conserver leurs propriétés
d'interaction avec le carbone. La masse d'eau à traiter est
malheureusement parfois très importante.
L'action électromagnétique
est nettement plus rapide et efficace, mais elle nécessite
des moyens importants. Les ondes seront de courte longueur pour
désorganiser le cycle en surface sans pénétrer
dans la profondeur du planétoïde et toucher les réserves
mémorielles. La puissance nécessaire est assez élevée.
Une solution simple consisterait à équiper le réseau
satellite de surveillance de canons à micro-ondes ; la surface
d'un planétoïde moyen peut-être balayée
en quelques centospirules seulement, mais l'alimentation électrique
d'origine stellaire des satellites doit être remplacée
par une source interne (réacteur de fusion hydrogène),
ce qui complique la maintenance. Pour éviter ce déploiement,
on pourrait également avoir recours aux miroirs stellaires
de grande envergure utilisés lors de la terraformation des
planètes gazeuses du nuage d'Oort : ces miroirs renvoient
et concentrent les radiations cosmiques de l'étoile principale
du planétoïde. L'inconvénient principal, outre
le délai d'acheminement, est constitué par les ondes
longues cosmiques susceptibles de perturber la réserve mémorielle.
§3 :
Dommages potentiels
La redondance des informations sauvegardées dépend
de trois paramètres : la duplication sur les planétoïdes,
la distribution aléatoire complète dans le substrat
organique et les amorces de contrôle.
La duplication
sur les planétoïdes devrait suffire à nous protéger
des attaques de la pourriture carbonée. Mais l'on constate
que l'apparition et de le développement de cette pourriture
sont rapide et quasiment systématique. A la date du 404 Siliante
TU, 5% des planétoïdes étaient gravement touchés,
mais plus de la moitié montraient les signes d'une attaque.
La masse moyenne d'information détruite varie entre 5% et
10%, ce qui est peu ; mais cette moyenne masque la répartition
des attaques et surtout la rapidité de propagation, qui n'interdit
pas d'imaginer un scénario dans lequel une information sera
détruite sur tout les planétoïdes à la
fois. En effet, la courbe de répartition des attaques carbonées
montre que si l'on pondère la moyenne des informations détruites
par l'accélération de l'attaque sur chaque planétoïde,
on obtient une configuration où la probabilité de
destruction d'une information particulière sur tout les systèmes
dépasse 30% . C'est beaucoup plus que ne peut en accepter
notre système de redondance.
Ce qui complique
les choses et aggrave les conséquences vient paradoxalement
de nos propres choix. Le système de la distribution aléatoire
complète dans le substrat organique a été choisie
parce qu'il permet de préserver l'intégralité
des données si une partie consécutive -même
importante- est détruite. Par ce système, on prévient
tout risque de destruction, sans aucun risque d'erreur, au cour
d'une fausse manipulation quelconque pendant le transfert, la consultation
ou la mise à jour des données. C'est à dire
que l'on se prémunit des risques inhérents à
la manipulation intelligente des données ; avec le système
de redondance, nous pensions nous prémunir des manipulations
aléatoires. Il n'en est rien. La pourriture carbonée
opère des prélèvements aléatoires du
substrat par la nature elle-même aléatoire de son activité
; points de prélèvement, quantité prélevée,
choix des bulbes, tout cela est fait dans la plus grande anarchie.
Et le risque de voir disparaître des pans complets d'information
ne peut plus être écarté, comme l'a montré
l'incident de Gnu/Kart III - P4, point de départ de cette
affaire.
Si la pourriture
carbonée finit par atteindre les amorces de contrôle
des mémoires de manière simultanée, la réserve
entière devient inopérante. La probabilité
est faible dans le cas normal (environ 1 picosimule), mais les calculateurs
ont montré qu'à cause du caractère aléatoire
des attaques de la pourriture carbonée, le probabilité
pouvait monter à 25 millisimules. Cela n'est pas acceptable
ni par nous, ni par les fondateurs, ni par les lecteurs.
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