Hong Kong Stories Retour à la page précédente Retour au sommaire de KaFkaïens Magazine
 
 
27 mars 2003
 

Le chauffeur de mon taxi, ce soir, porte un masque de chirurgien vert, avec un double cordon blanc étroitement noué sur la nuque. Je souris. Encore cette vieille histoire. En février, les autorités chinoises de Hong Kong ont demandé aux habitants de reporter leurs voyages sur Canton, à cause d'une grippe particulièrement contagieuse. En mars, quelques cas se sont également déclarés au Vietnam.
Le taxi attaque la côte. La soirée a lieu dans les Mid-Levels, les beaux quartiers de Hong Kong, situés sur les hauteurs. Il paraît que depuis l'appartement, on a une vue incomparable sur la baie. J'ouvre la fenêtre pour mieux profiter de la fraîcheur de l'air. Mon chauffeur s'arrête en contrebas d'une tour pour demander son chemin. Sous le porche monumental, le gardien dans sa guérite porte également un masque. Les deux hommes crient et gesticulent pour tenter d'échanger quelques mots à travers la gaze qui leur couvre la bouche. Je les observe en riant.

La soirée bat déjà son plein, animée par des discussions qui n'ont plus qu'un seul sujet : il y a eu aujourd'hui dans toutes les compagnies de la ville une réunion extraordinaire, suivie par une distribution générale de masques. Un des garçons présents raconte qu'il travaille dans une banque, au douzième étage d'une tour. Ce matin, en se rendant à son travail, il a senti sa gorge un peu irritée. Dans l'ascenseur, il a essayé de se retenir. Mais c'est l'heure de pointe. Il y a eu des arrêts à différents étages. Finalement, il a toussé timidement derrière la paume de sa main. Arrêt immédiat des conversations. Regards. Il a esquissé un sourire d'excuses et filé à son poste. Le téléphone a sonné : c'était sa DRH. Elle venait de recevoir la plainte d'un de ses collègues et lui demandait de rentrer chez lui sans délai. Nous éclatons de rire.
C'est vrai que les gens sont devenus fous, renchérit un autre convive. Un de ses collègues par exemple a été saisi par la peur dès qu'il a été question de la grippe à Canton. Il est d'abord resté planqué derrière son bureau, transpirant, livide. La semaine dernière, il a brusquement quitté son poste sans prévenir personne et sans savoir ce qu'il faisait. Il s'est retrouvé dans un taxi en direction de l'aéroport. Douze heures plus tard, il était en France. L'équipe, inquiète, n'a reçu que trois jours plus tard un mail annonçant son retour. Il est arrivé ce matin. Juste à temps pour recevoir son masque. Il est reparti aussi sec. Nouvel éclat de rire.

 
 
PVK
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